Baromètre de l’e-commerce américain et lumière sur la baisse du taux de conversion
Via la newsletter d’ebusiness info que je lis quotidiennement, j’ai découvert il y a quelques temps déjà un article du Journal du Net qui annonçait la chute des taux de conversion des e-commerçants américains. Comme je n’aime pas rester sur des constats, j’ai décidé d’investiguer, surtout que la fin du paragraphe annonce que les e-commerçants se rejoignent sur le fait que la conversion est le premier domaine pour lequel l’analyse de données a de l’influence. Autant dire que l’étude citée représente un vrai intérêt pour comprendre les différences franco-américaines. Première étape, retrouver l’étude originale d’e-Tailing Group. Version payante quasiment 600$, vous conviendrez qu’on pourra commencer par la version gratuite du communiqué de presse (c’est par là au format PDF). 5 pages de contenu, de quoi certainement trouver des pistes d’explication à cette baisse.L’étude de l’e-Tailing Group est en fait un baromètre de l’e-commerce qui est reconduit pour la 7ème année consécutive auprès de 204 marchands. Les questions abordées concernent la performance business et la vision stratégique des e-commerçants aux USA. En ces temps de crise de la consommation au pays de la croissance reine, l’étude conclut que les e-commerçants américains bataillent pas mal et adoptent une stratégie qui a fait le beau jour de l’Avare : Quand il y a à manger pour huit, il y en a bien pour dix ! Vous aurez compris, qu’il s’agit de faire plus avec moins. Comment les Américains s’y prennent-ils ? En remettant tous leurs investissements à plat à la lumière du R.O.I. Dans cette logique, l’étude s’intéresse tout d’abord à la fameuse question du coût d’acquisition client.
Coût d’acquisition client
Acquérir des clients est indispensable mais cela représente un coût. Dans le meilleur des mondes, le coût d’acquisition est inférieur à la marge générée par le panier moyen du premier achat et dès lors l’acquisition est rentable (sans repeat business, voire à ce titre la très bonne série d’articles sur le sujet chez Michel de Guilhermier). Dans un marché qui tend vers la maturité avec une crise de la consommation, les responsables de site veulent majoritairement que l’acquisition soit rentable ou à l’équilibre. C’est ce que décrit l’histogramme suivant, où on voit qu’en comparaison avec 2007, les e-commerçants acceptent de moins en moins d’acquérir des clients à un coût ne permettant pas de les rentabiliser avec le premier achat. Elle est loin l’époque où pour acquérir des parts de marché, les e-commerçants dépensaient sans compter… Presque 8 ans déjà .
Les taux de conversion
Une autre partie de l’étude concerne cet indicateur clef, avec en prime une courbe de répartition des performances des e-commerçants. Naturellement, on retrouve quelque chose qui ressemble vaguement à une gaussienne, et comme vous l’aurez deviné en sachant que le taux de conversion moyen aux USA est de 2%, la pseudo gaussienne est centrée sur cette valeur.
L’étude attentive du graphique n’indique pas que le taux de conversion moyen ait obligatoirement baissé (attention à l’axe des abscisses, le pas n’est pas constant), mais il apparaît clair qu’il n’y a pas eu de progression et qu’on est plutôt dans une phase de stagnation avec une lutte ardue pour sortir son épingle du jeu. Le communiqué de presse ne précise pas quelle est la constitution de l’échantillon de sondés, mais en considérant juste que la répartition sectorielle et l’ancienneté diffèrent, on pourrait comprendre les différentes évolutions constatées.Vous l’aurez compris, je suis un peu sur ma faim avec cette vulgaire “photo” à différents instants. J’aurai naturellement préféré qu’on demande aux e-commerçants quelle a été l’évolution moyenne de leurs taux de conversion… seule information vraiment pertinente. Ensuite, on ventile par secteur et ancienneté, et je suis sûr qu’on peut faire quelque chose de bien… A noter que 7% des e-commerçants américains ne connaissent pas leurs taux de conversion. Et oui, il est possible d’être e-commerçant et de ne pas surveiller son taux de conversion, mais bon, les malentendus, ça prend fin un jour. En continuant la lecture du baromètre, on s’aperçoit que le précédent graphique est complété par un paragraphe concernant l’utilisation des données chiffrées et du testing. Les e-commerçants américains ont été invités à définir les problématiques sur lesquelles ils ont pu tirer le meilleur parti de leur webanalyse. Les grands gagnants sont la conversion, l’abandon du panier et le search marketing. Les autres chantiers évoqués et qui arrivent tout de suite après sont l’amélioration de l’expérience client, l’optimisation des landing pages des campagnes de liens sponsorisés, l’affinage des modes de navigation, l’augmentation du panier moyen. Un peu plus loin on retrouve l’identification d’opportunités de développement de nouvelles fonctionnalités, la réorganisation de l’arborescence, la diminution des retours produit et l’optimisation des landing pages des emailing. La webanalyse apparait plus que jamais comme une démarche ancrée dans le mode de réflexion des e-commerçants américains. Je suis juste surpris que l’optimisation des landing pages des emailing arrive en dernière position : cela fait peut être bien longtemps qu’ils ont atteint le sommet de leur art ? Autre point, il semblerait que l’étude de la satisfaction client ne fasse pas parti de la webanalyse pour les e-commerçants américains, puisque l’identification d’opportunités de développement de nouvelles fonctionnalités apparaît assez loin alors que les études de satisfaction sont sur ce point très intéressantes.
Le merchandising
Le baromètre de l’e-Tailing Group s’intéresse également aux fonctionnalités de merchandising qui représentent le plus d’intérêt pour les e-commerçants américains. Voici le top 14 dans l’ordre. On observe une prise de conscience de l’importance de maîtriser les fonctionnalités avant de les implémenter et d’en tirer profit. Dès lors, le top 14 fait apparaître des fonctionnalités “simples” à mettre en place et à gérer, pour pouvoir in fine maximiser le R.O.I.
La devise des e-commerçants américains : “keep it simple, efficient and effective”
L’avantage du baromètre c’est qu’on peut effectuer un suivi d’année en année, et sur cette question des fonctionnalités, e-Tailing Group observe systématiquement des effets de mode… Parmi les fonctionnalités qui n’apparaissent pas dans ce top 14 mais qui grimpent, le phénomène de socialisation du web pousse de plus en plus d’acteurs à s’intéresser aux avis et notations produit des clients.Les fonctionnalités dites rich media ou liées au marketing viral restent pour leur part anecdotiques, car les e-commerçants ont constaté un intérêt limité en terme de R.O.I. (à noter la sublime blague sur le R.O.I. des interfaces riches, un article paru récemment dans lequel il n’y a aucun chiffre… c’est pas poli de citer des R.O.I. négatifs).La fonctionnalité qui semble se dégager pour l’avenir semble être la personnalisation des interfaces et des offres avec pour pierre d’angle l’étude comportementale des clients. A suivre…
L’abandon du panier
Dans la lignée du très bon article d’Olivier Favre d’Innovablog sur l’abandon du panier, le baromètre fait part des initiatives prises par les e-commerçants pour diminuer le taux d’abandon. Avant d’observer les moyens sophistiqués, je vous invite à regarder votre site et à vous poser la question de la facilité d’ajout au panier. J’ai déjà accompagné des acteurs e-commerce chez lesquels, inconsciemment, la mise au panier avait été plus facilitée/mise en avant que la consultation de la fiche produit. Résultat, par défaut, le client ajoute le produit au panier alors qu’il n’a pas encore pu accéder à la fiche produit. Un tel phénomène peut polluer fortement les statistiques liées au taux d’abandon du panier.Une fois cette considération prise en compte, on peut regarder plus attentivement les moyens mis en place :
- Ouverture d’une pop-up avec une offre si achat dans la journée : 3%, en baisse d’un point par rapport à 2007
- Envoi d’un email pour rappeler la présence d’un produit dans le panier : 14%, en progression de 3 points par rapport à 2007
- Envoi d’un email pour rappeler la présence d’un produit dans le panier avec une offre : 10%, en baisse de 3 points par rapport à 2007
- Envoi d’un email présentant des produits similaires : 6%, nouvelle pratique
- Coup de fil personnel : 1%, nouvelle pratique… La limite de la version gratuite c’est que les résultats ne sont pas ventilés par secteur. On s’imagine assez bien rappeler quand le panier moyen est important, pour un livre la rentabilité est moins évidente
A noter que plus des 2/3 des e-commerçants ne relance pas le client en cas d’abandon du panier.
L’upgrade de la plateforme d’e-commerce
Le baromètre aborde également la question des plateformes e-commerce employées. Sans rentrer dans le détail, on se rend compte que 60% des e-commerçants américains envisagent de changer de plateforme au cours des 3 prochaines années. Le développement de fonctionnalités spécifiques rend les plateformes toujours plus difficiles à gérer dans le temps, et il arrive un moment où il devient plus simple d’effectuer une migration pour disposer sur la nouvelle version des fonctionnalités qui sont devenus entre les deux versions des standards.
Les “7 T” de l’e-tailing group
- Tactical : déployez des stratégies cohérentes de la génération de trafic vers la fidélisation, de la recherche vers le contenu, en intégrant avec intelligence les outils et fonctionnalités qui amélioreront l’expérience client et qui permettront à vos clients de faire le bon choix
- Tailor : si les sites d’e-commerce reposent sur des standards et des structures comparables, il n’empêche qu’il convient de concevoir une image sur mesure, en effectuant des choix différenciateurs et cohérents avec votre marque et votre cible
- Tweak : offrez une expérience “simple, efficient and effective” de l’arrivée sur site jusqu’à la livraison
- Target : faites des offres ciblés en utilisant toute la donnée dont vous disposez
- Track : mesurez et observez les comportements de vos clients pour anticiper leurs besoins et les fidéliser
- Test : le web est un canal mesurable, ne vous privez donc pas d’essayer sur des échantillons pour valider que vous atteindrez vos objectifs
- Total experience : créez une relation de confiance avec vos clients pour développer vos ventes et rentabiliser votre société