Est-ce que vous utilisez la webanalyse pour piloter vos actions marketing et votre site ?
Voici une des questions intéressantes posées par une étude menée récemment pour le compte de Webtrends, éditeur de solutions de webanalyse. Avant d’aller plus loin, j’aimerais vous faire part d’une réalité que les clients des solutions de webanalyse ne perçoivent pas forcément. Webtrends et les autres éditeurs de solution de webanalyse ont conscience qu’une minorité de leurs clients utilisent leurs outils et ce depuis des années. Pour ceux qui proposent une solution hébergée, ils sont capables de connaître en quasi temps réel le niveau d’usage que vous faites de leurs outils. Vous l’aurez compris, les éditeurs de solution de webanalyse se sont faits une raison… tant que le client paie, oublions qu’il n’utilise pas notre produit !
Maintenant que je vous ai dit ça, pourquoi un acteur comme Webtrends a-t-il pu commander cette étude au-delà de pures raisons liées à la communication ? D’une part car le quanti ne suffit pas à comprendre l’usage fait en entreprise, et d’autre part nous savons tous qu’il y a un effet bon élève : lorsqu’on vous demande si vous utilisez votre solution de webanalyse, vous aurez tendance à dire “oui” pour faire bien, même s’il n’en est rien. Il existe un biais favorable dans cette étude qui renforce l’idée qu’il faut posséder un outil de webanalyse, un petit peu comme les particuliers qui investissent dans des appareils de musculation et qui ne s’en servent jamais.
Concentrons nous à présent sur les enseignements de l’étude 2009 “Analysis & Action”, menée pour le compte de Webtrends par Loudhouse Research auprès de 300 directeurs marketing internet d’entreprises de plus de 250 salariés (dont 39 % de e-commerçants) au Royaume-Uni, en Allemagne, en Australie, en France, en Italie et en Suède :
- 42% des sociétés interrogées déclarent modifier très souvent ou souvent leurs contenus e-marketing suite à l’analyse du comportement des internautes et 30% utilisent l’analyse du trafic pour apporter des modifications structurelles à leur site
- En France, ils sont 44% à accorder une grande importance à l’analyse des données générées par leur site et 54% à penser que cette analyse permet de faire évoluer les pratiques commerciales
- En France toujours, seuls 36% des reponsables interrogés déclarent utilisent régulièrement leur outil de webanalyse, et parmi ceux là, ils sont 56% à en être satisfaits
- Last but not least, 58% des entreprises interviewées se disent satisfaites du ROI de leurs dépenses marketing internet (56% pour la France), ce taux de satisfaction monte à 77% pour les entreprises utilisatrices de telles solutions
Je suis partagé à la lecture des chiffres évoquées dans l’étude. Je pense qu’il y a déjà un préalable qui serait de définir le périmètre des outils autres que les outils de webanalyse qui sont évoqués de manière non explicite dans l’étude. Par ailleurs, je trouve un peu léger de parler de souvent ou toujours alors que nous sommes sur des pratiques professionnelles et qu’il serait aisé de chiffrer les fréquences (quotidiennement, hebdomadairement, mensuellement…).
Concernant les chiffres eux-mêmes, j’ai voulu les comparer aux échanges que j’avais pu avoir depuis 2 ans avec la centaine de prospects et clients que j’ai pu cotoyer. Au-delà des anecdotes vraies d’entreprises qui paient plusieurs milliers d’euros par mois de licence pour un outil laissé entre les mains d’un stagiaire qui fait quelques analyses à la marge, ou d’autres acteurs qui paient une personne pour faire le suivi de leur plan de taggage mais qui se connecte à leur outil moins d’une fois par mois, j’ai cherché à me faire une idée chiffrée de l’usage réel de la webanalyse en entreprise.
Naturellement, il ne s’agit pas d’un sondage mais d’échanges informels dans un cadre commercial. La composition de l’échantillon n’est pas forcément représentative et si je n’ai pas le biais “bon élève”, il y en a forcément d’autres.
Dans l’étude Webtrends, 30% des répondants déclarent avoir utilisé leur outil de webanalyse pour modifier leur site. Pour ma part, j’aurai plutôt tendance à estimer ce chiffre à hauteur de 20% sur base de mes “entretiens”.
Parmi les motifs récurrents avancés pour expliquer la non utilisation de la webanalyse pour améliorer un site Internet, j’ai pu noter :
- “Mon site est mal taggé” => Dit autrement : je n’ai pas investi suffisamment de temps et de moyens pour collecter correctement les données pertinentes de mon site
- “La webanalyse ça ne sert à rien, c’est de l’art divinatoire” => Dit autrement : je n’ai pas de profils analytiques en interne
- “Il y a trop de données, je ne sais pas par où commencer” => Dit autrement : je n’ai pas de méthodologie, je ne sais pas faire la différence entre du reporting et de l’analyse
- “Je n’ai pas le temps” => Dit autrement : je n’ai pas compris qu’en utilisant la webanalyse, je sauverai ma tête et je ferai gagner à mon entreprise davantage que mes confrères qui ne se servent pas de la webanalyse
Dans l’étude Webtrends, 42% des répondants déclarent optimiser leurs campagnes avec leur outil de webanalyse. Pour ma part, j’aurai plutôt tendance à estimer ce chiffre à hauteur de 60% sur base de mes “entretiens”.
Principaux motifs avancés par ceux qui ne le font pas :
- “Mon agence s’en occupe” => Dit autrement : j’espère que mon agence s’en occupe…
- “Mon site est mal taggé”, “Il y a trop de données, je ne sais pas par où commencer”… Vous l’aurez compris, les motifs avancés précédemment s’appliquent également ici
Rapide calcul pour vous dire que sur base de mes entretiens, on trouve un ratio “3” entre le nombre d’e-marketeurs qui utilisent leur outil de webanalyse pour suivre leurs campagnes (et donc leur audience) et ceux qui l’utilisent pour améliorer leur site. En France, la webanalyse est avant tout utilisée dans une perspective de génération de trafic et d’ailleurs cela m’avait surpris de voir le nombre d’agences et d’acteurs qui parlaient de webanalyse tout en limitant leur discours au tracking des mailings, campagnes d’acquisitions ou au SEO (étude de la longue traîne des mots clefs). Nous sommes moins nombreux à parler de la webanalyse comme outil de tracking du comportement visiteur sur site et comme outil d’amélioration de la performance business intrinsèque du site, mais les temps changent et les choses vont dans le bon sens.
Dans l’étude, le ratio est différent, mais on observe que l’amélioration du site passe après l’optimisation des dispositifs de génération de trafic. Concernant les différences entre mes chiffres et ceux de l’étude, je pense qu’elles sont principalement dues à la composition des échantillons en termes de profils des répondants et taille/typologie des sociétés interrogées. Par exemple, au moins la moitié des sociétés que j’ai rencontrées ne travaillent pas ou peu avec une agence e-marketing. Ceci implique qu’ils opèrent en interne le tracking de leurs investissements.
Même si les chiffres sont différents, il n’empêche qu’ils restent faibles. Personnellement, je déplore depuis longtemps le manque de pragmatisme et d’analyse d’une grande partie des acteurs présents sur le Net. Problème de formation ou d’adaptation, incompréhension des enjeux… Souvent on me prétexte par mauvaise foi ou par ignorance que la webanalyse n’est pas un sujet prioritaire pour gagner des parts de marché ou développer son activité. Certainement… mais il faut dans ce cas être richement pourvu et espérer ne pas avoir en face de soi des concurrents qui eux sauront tirer parti de la webanalyse. Une récente étude Forrester nous révèle que les e-marketeurs qui intègrent les données de webanalyse avec leurs applications d’email marketing peuvent générer jusqu’à 4 fois plus de recettes et 18 fois plus de bénéfices nets, que les e-marketeurs qui envoient des mailings en masse.
A vous de choisir, mais sur le long terme, il ne sera plus question d’utiliser la webanalyse ou non, mais de s’en servir de manière optimale, alors préparez vous à franchir le cap ou à vous recycler 😉