Les marques & Internet : que faire quand on ne vend rien ?
L’omniprésence d’Internet impose aux marques d’être en ligne. A toutes les marques. Même à celles qui n’y vendent rien, ou plutôt – à celles qui ne vendent rien directement au consommateur.
Elles sont d’ailleurs nombreuses, les marques exclues de l’e-commerce pur. Parmi les raisons qui expliquent leur absence de la vente en ligne, on retrouve aux premiers rangs :
- L’envie/la nécessité de ne pas contrarier des réseaux de distributeurs (ou de prescripteurs locaux) puissants et indispensables (une situation qui ne devrait pas tant évoluer, dans la mesure où à moyen comme à long terme, la majorité des achats dans la majorité des secteurs seront effectués offline).
- L’inadéquation de leur organisation interne à la vente en ligne au détail
Pour ces marques, quelles sont les moteurs de leur présence en ligne ?
La 1ère raison d’être en ligne, c’est la « notoriété ».
Il s’agit certainement de la raison la plus populaire – et les cyniques prétendront que c’est parce que c’est celle qui exige a priori* le moins de mesure pour justifier de son efficacité. Reste que le développement de la notoriété est évidemment un objectif décisif pour ces marques, car la conscience de la marque et de ses produits pour le consommateur est plus qu’un préliminaire à l’achat : c’est une nécessité. Il est donc logique que le développement de la notoriété ait justifié le lancement de campagnes média puissantes. Mais en dehors des discussions portant sur les problèmes de mesure de l’efficacité de ces campagnes, il s’agit de voir que cette raison d’être en ligne ne peut être que partielle. Partielle, car elle ne répond pas aux prospects et clients de la marque qui viennent chercher de l’information dans un contexte d’achat, et dont certains ont un réel objectif d’achat.
D’où une 2ème raison d’être en ligne potentielle : vendre indirectement en générant du trafic en points de vente.
Le concept de web-to-store est venu à point pour marketer cette ambition. Développer sa stratégie web-to-store, c’est développer les leviers les plus propres à transformer le prospect online en un client offline. Attention cependant à la confusion entre l’objectif et les moyens : de même qu’écologie ≠ poubelle jaune, stratégie web-to-store ≠ store locator ! Une stratégie web-to-store efficace impose une réflexion profonde sur les besoins de ses clients : ont-ils besoin de trouver des informations sur la marque ou de trouver des informations sur un produit spécifique de cette marque ? Se rendent-ils en majorité en points de vente pour acheter ou pour avoir des conseils supplémentaires ?
Un des avantages d’une stratégie web-to-store, c’est qu’on peut en mesurer davantage l’efficacité, et donc justifier de l’impact commercial de la présence de la marque sur Internet. Cet enjeu est d’ailleurs particulièrement important dans le cas de réseaux d’affiliés ou de franchisés qui cherchent à comprendre la valeur ajoutée des dispositifs de marque non immédiatement marchands – Adrien Vesteghem, Directeur CRM du Groupe Beaumanoir, justifiait lors de la dernière conférence « Online-to-store » de l’EBG la prépondérance du couponing dans les stratégies web-to-store par le fait que « c’est aujourd’hui le système qui parle le plus aux affiliés »… Plus généralement, la justification de la présence en ligne de ces marques passe par la définition de stratégies d’accompagnement du client en cross-canal, (auxquelles Converteo avait consacré un livre blanc l’année dernière) : il est donc logique qu’il s’agisse d’un de leurs sujets clés d’attention.
Rossignol, la 1ère brique web-to-store d’une stratégie cross-canal
Le store locator de Rossignol
Le lancement d’un dispositif multi-plateformes (site Web de la marque, facebook, moteurs de recherche) de géolocalisation de ses 10 000 revendeurs, la création d’un module de prise de contact via Internet et de présentation des offres commerciales en cours chez le revendeur (coupons, séries spéciales…) est la première brique d’une stratégie cross-canal pour les skis Rossignol. Sur le marché concurrentiel de la vente de skis, elle permet à la marque d’améliorer la connaissance de sa base clients, valorise pour les revendeurs les apports de la marque en points de vente (via un outil en ligne de mesure des leads générés), et … les incite à atteindre un seuil minimum de commande pour être mis en avant en ligne.
Cependant, une stratégie web-to-store ne répond que partiellement à l’envie d’achat exprimée par un client ou un prospect. Plus précisément, elle ne permet pas de convertir les acheteurs potentiels qui valorisent fortement la capacité à acheter les produits de la marque en ligne. Et ne permet donc pas d’éviter la déperdition liée aux prospects chauds pour lesquels la rupture de canal fait risquer le coup de froid !
Une 3ème raison d’être en ligne : vendre indirectement en ligne ?
Et c’est justement à ce stade qu’interviennent les market places dans les stratégies de développement en ligne des marques. Entres autres avantages, elles permettent d’éviter un changement de canal aux prospects les plus chauds détectés en ligne – et l’impact commercial du dispositif a l’immense avantage de se mesurer directement en euros !
Dans un contexte où fleurissent les market places des grands distributeurs (RueduCommerce en 2007, Pixmania en 2008, Fnac.com en 2009, CDiscount en 2011…) et où apparaissent des solutions techniques clef en main de plus en plus abouties (Mirakl par exemple), la question de vendre indirectement en ligne va probablement se poser pour les marques de façon d’autant plus insistante que les barrières techniques s’abaissent.
Mais avant de se lancer, comment savoir si le jeu en vaut la chandelle ?
Un des enjeux est de valoriser la capacité de la marque à contrôler de façon plus efficace les informations produits utilisées par les tiers vendeurs dans le cas d’une market place : le contrôle des positionnements prix incohérents, les erreurs dans les noms de produits, les informations produits incomplètes… La market place a le grand avantage de faciliter le travail de trade marketing !
L’autre enjeu principal est la valorisation du trafic capté : le trafic naviguant sur les grandes plateformes d’e-commerce tout d’abord, mais aussi le trafic de notoriété perdu à cause du changement de canal.
Si le mécanisme de place de marché est un des plus anciens du Web (Amazon a ouvert son programme affiliate en 1997 !), il semble être un des plus grands leviers de développement pour les marques qui ont pris l’habitude de ne pas vendre en ligne. En théorie, l’entrée dans une market place (et/ou la création de sa propre market place si son trafic de notoriété le justifie) semble un prolongement et un complément d’une stratégie web-to-store efficace. Après la théorie, la pratique ?
Axe utilise la marketplace d’Amazon pour vendre ses coffrets
Utilisation de la marketplace Amazon par Axe
Pour la majorité des marques du Groupe Unilever, le ratio frais de livraison / panier moyen est suffisamment défavorable pour qu’elles n’aient pas intérêt à vendre directement en ligne. Axe est dans ce cas, et la conscience collective de pouvoir trouver le produit partout ne demande pas à la marque de travailler la génération de trafic en points de vente. En revanche, la market place est un levier intéressant car elle permet de stimuler 2 types d’achat : – Les achats de produits à l’unité au sein de commandes atteignant un seuil prédéfini (15€ pour le programme Panier Plus d’Amazon) – Les achats de coffrets, pour lesquels le panier moyen est nettement plus intéressant pour la marque Sans compter que le travail fourni par Axe ici lui permet de contrôler davantage la qualité des informations produits diffusées : ici, les visuels produits, les noms de collections et les informations de contenance sont homogènes et de qualité
* : a priori seulement, car de nombreux dispositifs de mesure existent : analyses de différentiel de notoriété spontanée/assistée, de taux de reach, de corrélation avec l’évolution de la part de marché de la marque etc.