[Tribune LSA] Dispositif « Oui Pub » : quelles conséquences et alternatives pour les distributeurs ?
Tribune publié le 25/03/2022 par LSA
A partir du 1er septembre 2022, plus de 2,5 millions de Français ne recevront plus de prospectus dans leur boite à lettres, sauf s’ils ont apposé une étiquette « oui pub » sur celle-ci. Pour anticiper et communiquer malgré tout les offres promotionnelles, Olivier Becquart, manager digital et data chez Converteo, délivre quelques conseils dans une tribune accordée à LSA.
En octobre 2019 débutait la Convention Citoyenne pour le Climat, réunissant 150 citoyens, pour aboutir à la loi climat et résilience promulguée le 24 août 2021. A quelques jours de l’entrée en vigueur du décret d’application, le 31 mars 2022, du chapitre II « Encadrer et réguler la publicité » de la loi et de son article 21 stipulant : « À titre expérimental et pour une durée de trois ans, la distribution à domicile d’imprimés en plastique, en papier ou cartonnés à visée commerciale non adressés, lorsque l’autorisation de les recevoir ne fait pas l’objet d’une mention expresse et visible sur la boîte aux lettres ou le réceptacle du courrier, est interdite […] », il est essentiel pour les enseignes disposant d’un réseau de magasins assez étendu, de se pencher sur l’impact et les actions à mettre en œuvre dès à présent pour faire face à la nouvelle donne « Oui Pub ». Quels sont les points d’attention pour les retailers ? Et quelles sont les alternatives aux prospectus papier ?
Rappel de la mise en œuvre du dispositif « Oui Pub »
A compter du 30 avril, l’ADEME débute une expérimentation auprès de 15 collectivités. Ces collectivités ont été retenues parmi 25 candidatures et couvrent 2,5 millions d’habitants. Pour le Ministère de la Transition écologique : « Les profils variés de ces 15 collectivités (région, typologie d’habitat, densité de population…) permettront un apprentissage et des retours d’expériences variés ». Nous pouvons néanmoins noter la forte représentation de la moitié sud de la France. D’avril à fin août, les collectivités sélectionnées vont mener des opérations de communication auprès de la population, des annonceurs et des distributeurs, et distribuer des autocollants Oui Pub. L’ADEME va pour sa part assurer la coordination afin de suivre l’expérimentation.
Le 1er septembre marquera le début de l’interdiction pour les enseignes de distribuer des prospectus non adressés en l’absence d’autocollants “Oui Pub”.
L’augmentation du coût du papier : premier facteur prédisposant à l’évolution du mix média
Un facteur conduit depuis plusieurs mois les enseignes à revoir leur mix média, et notamment à baisser fortement les volumes de prospectus : l’augmentation des coûts du papier. Ces derniers ont significativement augmenté du fait de la forte demande. Par exemple, c’est le cas pour remplacer le plastique dans l’alimentaire ou encore pour subvenir aux besoins d’emballage suite à l’augmentation des livraisons à domicile.
Fin 2021, l’Union de la Filière Papetière (Ufipa) annonçait une augmentation de 60% de la pâte à papier. Avec Oui Pub, un mix media qui tend irrémédiablement vers moins de prospectus, les prochains mois seront déterminants pour l’avenir de l’imprimé publicitaire, avec une pression forte sur la durabilité de ce support média. Le dispositif Oui Pub sera en effet évalué sur 4 catégories d’indicateurs, comme le détaille le Ministère de la Transition écologique :
– Des indicateurs d’impacts environnementaux : évolution des flux d’imprimés publicitaires non adressés jetés et de quantités de papiers consommées, impact en termes de report vers des pratiques numériques, etc.
– Des indicateurs d’impacts économiques : réduction de charges pour les enseignes et éventuelles variations des ventes, évolution des coûts de gestion des déchets pour les collectivités et impacts sur les emplois (distribution des imprimés).
– Des indicateurs d’impacts comportementaux : niveau d’adoption de la mention « publicités acceptées » sur les boîtes aux lettres, effet de report vers d’autres supports de publicité dont numérique, etc.
– Des indicateurs d’impacts de compréhension, d’adhésion et de satisfaction : niveau de compréhension du système mis en œuvre, implication des parties prenantes du territoire, satisfaction du public, etc.
Dès lors, une nécessité : anticiper la mesure Oui Pub et l’éventuel passage à l’échelle
Les enseignes avec un réseau de magasins assez étendu, et une part du prospectus papier importante dans leur mix média, peuvent dès à présent mener des actions pour réduire l’impact sur les visites et leur chiffre d’affaires en magasins.
1. Quantifier l’impact du Oui Pub par magasin. Quel est le pourcentage de la zone de distribution concernée et donc quelle baisse du prospectus est à prévoir ?
2. Préparer et assurer la conduite du changement auprès de ses clients et auprès des forces de ventes. Les clients ne sont pas toujours au courant du dispositif, il convient donc de faire preuve de pédagogie pour répondre à certaines questions récurrentes : Comment continuer à recevoir les offres promotionnelles de l’enseigne ? La quantité et la fréquence des promotions seront-elles les mêmes ? Les enseignes du secteur alimentaire ont pour certaines anticipé le mouvement vers moins de prospectus telle qu’ Auchan, ou en arrêtant totalement la distribution de celui-ci comme chez Carrefour. Quoi qu’il en soit, communiquer en point de vente et proposer l’accès au catalogue en digital est clé, comme le réalise Intermarché. On peut ainsi proposer de continuer à recevoir les prospectus via WhatsApp ou Messenger par exemple. En résumé, il est nécessaire d’anticiper et faire de la pédagogie auprès des clients, avec une communication claire sur les objectifs poursuivis et sur les modalités de mise en place.
3. Adapter sa communication et ses parcours pour continuer à communiquer sur les offres promotionnelles du moment. Informer ses clients via des actions CRM dans les prochains mois permettra de les prévenir du changement à venir, et de leur proposer des moyens de rester informés sur les offres en cours. Mettre en place ou accélérer les partenariats avec des offres permettant de proposer un catalogue sous une autre forme, et le mettre en avant sur son site sera également important. Bonial propose par exemple plusieurs services pour mettre à disposition son catalogue et le médiatiser sur les plateformes principales. Ainsi, les enseignes peuvent continuer à informer leurs clients des offres en cours, et suivre l’engagement
4. Suivre l’impact du dispositif et adapter ses actions de communication. Mesurer les effets des communications alternatives mises en place permettra d’adapter ses actions de communication, pour informer ses clients sur les offres du moment et ainsi assurer le trafic en point de vente.
L’expérimentation menée par l’ADEME en coordination avec les 15 collectivités sélectionnées, prévue pour durer 3 ans, pourrait conduire à une généralisation du dispositif sur l’ensemble du territoire. La plupart des enseignes de distribution avec un maillage du territoire assez fort sont d’ores et déjà impactés par cette mesure, avec pour certaines une part importante, 10 à 15% de leur parc de magasins est concerné.
Si les alternatives au prospectus existent, reste à bien comprendre, déterminer et quantifier l’impact que les prospectus avaient jusqu’alors pour chacun des magasins concernés ; mettre en place des dispositifs de communications alternatifs et complémentaires s’appuyant sur le digital et mener un travail pédagogique et d’informations auprès de ses clients. Les solutions sont là et il faut dès à présent s’en préoccuper pour ne pas risquer de perdre l’apport business encore conséquent que générait jusqu’ici la distribution de prospectus.