Réconcilier performance et responsabilité environnementale : Les enseignements du Baromètre E-commerce 2024
Dans ce Regards Croisés, Marianne Sassi, Consultante Senior, et Sylvain Deffay, Senior Manager et Responsable RSE chez Converteo, reviennent sur le travail de rédaction du baromètre 2024 et partagent leur vision, les enseignements et les défis rencontrés lors de ce projet. Ils expliqueront comment cette étude peut aider les entreprises à concilier performance économique et responsabilité environnementale.
Depuis deux ans, Converteo produit un baromètre e-commerce durable afin d’évaluer les pratiques responsables des entreprises du secteur, à un moment où le développement durable devient une priorité stratégique. À travers ce baromètre, Converteo entend guider les acteurs du e-commerce dans leur transition, en tenant compte des nouvelles exigences européennes.
Pourquoi Converteo se penche-t-il depuis deux ans sur l’étude des pratiques de soutenabilité du e-commerce ?
Sylvain : Ce baromètre est une des mesures phares de notre démarche RSE, avec pour principal objectif de sensibiliser nos parties prenantes aux enjeux du e-commerce durable – c’est-à-dire nos clients, dont de nombreux e-commerçants, mais aussi nos salariés, fournisseurs et partenaires. En tant que cabinet de conseil, notre stratégie RSE accorde une grande place à cet enjeu de sensibilisation et de pédagogie. Avec ce baromètre, notre ambition est d’encourager le développement d’un e-commerce plus durable, en mettant en lumière les bonnes pratiques du secteur et en fournissant des données concrètes sur le niveau de maturité des différents acteurs. C’est aussi l’occasion d’évoquer les solutions à mettre en œuvre.
Marianne : Le e-commerce a longtemps été, pour le consommateur en tout cas, une partie un peu cachée en termes d’impact environnemental et de durabilité, parce qu’il s’agissait de commerce dématérialisé, très peu perceptible, et parce que peu d’enseignes communiquaient réellement sur les coulisses de leurs opérations, la logistique, y compris l’impact environnemental de leurs produits, etc. Ce sont vraiment des préoccupations, chez les consommateurs toujours, qui sont apparues ces dernières années, soutenues par de nouvelles exigences réglementaires européennes, et qui ont commencé à faire bouger les lignes chez beaucoup de e-commerçants. Pour moi, il semblait naturel que Converteo, qui accompagne les entreprises dans l’amélioration de leurs offres et de leur performance par la donnée, s’intéresse à ce sujet étroitement lié au digital, où de nombreux leviers et solutions existent pour accompagner les entreprises dans leur transition environnementale tout en sensibilisant leurs consommateurs.
Quels sont les principaux enseignements de ce baromètre ? Quelles nouveautés avez-vous observées ?
Marianne : En termes d’évolution, comparé à 2023, nous constatons une légère amélioration des résultats (avec +3 points en moyenne par catégorie). La catégorie d’indicateurs qui présente la plus belle évolution est celle concernant le reporting extra-financier et les engagements des e-commerçants, très certainement pour prendre le virage des nouvelles réglementations européennes en matière de transparence, traçabilité, empreinte carbone et pratiques d’éco-conception.
Notre étude révèle un écart significatif entre les leaders du classement et les autres acteurs du e-commerce. Clairement, les leaders ont conscience des enjeux et en ont fait une priorité stratégique, tandis que certains n’y prêtent pas ou peu attention. Decathlon, Leroy Merlin, Darty sont cette année encore les entreprises les mieux classées.
En matière de circularité, les leaders se démarquent par la vente de produits reconditionnés ou recyclés et par des systèmes de reprise des anciens produits, avec 86 % des leaders offrant ce service contre seulement 42 % en moyenne.
Quant à la transparence produit, les leaders ont développé des outils permettant aux consommateurs d’identifier facilement les produits à impact environnemental réduit, via des filtres, des catégories dédiées, des pages spécifiques ou des labels.
Sylvain : Un phénomène qui ressort cette année est l’importance que va prendre le management des risques RSE induits par les marketplaces. Faire entrer des partenaires vendeurs sur son site est une chose, mais s’assurer qu’ils respectent les mêmes exigences que la marque dans leur offre (livraison, produits, affichage environnemental, sous-traitance) n’est pas simple. Et la réglementation sur le devoir de vigilance appuie dans ce sens.
Comment les entreprises peuvent-elles utiliser ce baromètre pour améliorer leurs pratiques durables ?
Marianne : Ce baromètre est un bon outil pour les e-commerçants, car il met en avant des critères d’auto-évaluation très concrets et accessibles à tous. Il permet de se situer par rapport à d’autres acteurs du même secteur ou de même envergure et, surtout, il contient des exemples d’applications concrètes observées sur le terrain, accompagnés d’avis d’experts qui proposent des solutions compatibles avec les contraintes économiques des acteurs.
Sylvain : Nous souhaitions que cette étude soit un outil de benchmarking utile pour les e-commerçants. Pour ce faire, nous menons nos recherches uniquement sur des données publiques et notre méthodologie n’a aucun biais. Chacun devrait pouvoir retrouver les informations que nous utilisons dans notre analyse (avec le temps imparti !) En étudiant les grands thèmes des enjeux RSE du secteur (la viabilité du business model, la chaîne logistique, le marketing et l’offre produit, la transparence envers le consommateur et les publications et engagements extra-financiers), nous espérons ainsi faire progresser le secteur sur un périmètre très large.
Comment s’est déroulé le travail de production du baromètre ? Y a-t-il des spécificités dans ce secteur pouvant rendre la collecte des données délicate ?
Marianne : La production de ce baromètre a été un vrai travail de longue haleine sur plusieurs mois, dans un premier temps pour récolter les données de plus de 50 acteurs du e-commerce. Nous avons mobilisé une petite équipe de consultants pour nous accompagner dans la collecte d’informations et des pratiques. Puis, il a fallu en tirer des chiffres, faire des comparaisons avec les résultats de l’année dernière et dégager les grandes tendances et analyses.
La difficulté résidait dans la collecte des données, car il fallait se mettre dans la peau d’un consommateur et s’en tenir seulement aux informations disponibles sur les différentes plateformes ouvertes au grand public, ce qui pouvait parfois être un peu frustrant. La partie que j’ai trouvée la plus enrichissante a été la recherche et la prise de contact avec des spécialistes et experts à interviewer afin d’avoir leur avis sur notre baromètre et sur les grandes tendances observées. Cette année, nous avons pu solliciter des experts vraiment passionnés (et passionnants), militants et spécialistes dans leur domaine d’activité, comme Maud Sarda du Label Emmaüs, Anna Balez de Lizee, ou Denby Royal de Peftrust, et en variant aussi les profils interrogés avec la prise de parole de membres du collectif E-CO. Nous avons aussi eu l’occasion de solliciter notre experte Converteo en interne, Vanessa Criton, sur le e-commerce responsable.
Sylvain : Nous avons également remarqué au cours de ce travail que des recherches publiques sont régulièrement publiées sur le sujet. Nous vous invitons à consulter la bibliographie du baromètre, riche de ressources publiées par l’ADEME et autres institutions gouvernementales. Nous vous recommandons aussi le collectif d’experts “Collectif E-CO” qui a publié un excellent livre blanc, disponible sur leur site.