La donnée 1P, une donnée clé mais complexe à manipuler
Manon Durand est consultante senior au sein de la practice Media & Acquisition, avec une expertise particulière en stratégie 1P acquise au cours de deux années en tant que responsable chez un annonceur. Spécialiste des problématiques de ciblage et de mesure, elle nous partage ses convictions sur l’importance des données propriétaires pour maximiser l’efficacité des stratégies média et améliorer la performance des campagnes d’acquisition.
À retenir :
- La donnée 1st party permet de répondre à des cas d’usage de ciblage ou d’exclusion de listes de clients.
- Un volume minimum de données 1st party (nombre d’emails, nombre de visiteurs du site, etc.) est nécessaire pour être utile en activation média (en ciblage ou en base pour du lookalike).
- Elle permet également d’améliorer la précision des algorithmes en permettant aux partenaires médias d’utiliser les emails pour réconcilier exposition publicitaire et achats (Enhanced Conversion pour Google, CAPI pour Meta).
- C’est une donnée complexe à exploiter : il faut qu’elle permette de développer des cas d’usage à forte valeur ajoutée pour justifier un coût souvent plus élevé. Son utilisation doit être cadrée sur le plan juridique et elle nécessite un suivi opérationnel quotidien pour son exploitation.
L’arrivée de la fin des cookies tiers et, plus généralement, des mesures dites “cookieless” ont mis sur le devant de la scène une tendance déjà bien présente depuis quelques années chez les annonceurs : miser sur ses données first party.
Les données first party représentent les données propriétaires de l’annonceur. Dans cet article, nous faisons à la fois référence aux données CRM et aux cookies 1st party (visiteurs du site, app).
La donnée 1st party reste stratégique pour le ciblage dans le contexte actuel.
En effet, la donnée 1st party permet de répondre à des cas d’usage média standards. Par exemple, elle permet d’adresser des messages différents entre clients et prospects ou bien d’exclure certains clients d’une campagne.
Elle permet toujours de cibler de manière précise et fiable ses clients au sein des environnements logués comme les plateformes sociales ou l’environnement Google. Sur l’open web, cela se complique. Avec la fin des cookies tiers déjà en place sur les navigateurs Safari, Firefox et bientôt Chrome (qui laissera désormais le choix aux utilisateurs), la donnée 1st party permettra un ciblage plus efficace uniquement lorsqu’elle sera couplée à l’utilisation d’IDs universels, par exemple. Au global, la donnée 1st party aura un impact non négligeable sur le social et les environnements logués (70 % du trafic web mondial à peu près¹) et pourra renforcer la réconciliation cross-domain sur le reste (30 % du trafic web environ) via l’utilisation d’IDs universels, à condition que ces solutions dépassent leurs propres défis.
Avec l’émergence des formats publicitaires basés sur l’IA, les données first party constituent l’essence de l’optimisation des campagnes. Ces données très qualitatives permettent d’aiguiller les modèles d’apprentissage des algorithmes en transmettant des listes de clients bien définies.
La stratégie de Google du “0 clic search” et, de manière générale, celle du marché avec l’émergence des IA conversationnelles, est de proposer des formats qui n’incitent plus au clic sur un lien mais qui fournissent directement une réponse à une question. En effet, aujourd’hui plus de 50 % des recherches Google n’aboutissent pas à un clic vers un site web². Ainsi, on peut s’attendre à voir la quantité de cookies first party diminuer dans les prochaines années, mais ils seront encore plus qualitatifs car représenteront un engagement plus fort de la part du consommateur avec la marque. Cette tendance risque de renforcer l’utilisation de la donnée 1st party en tant qu’essence de l’optimisation des campagnes. Dans ce contexte, les données CRM (email) constituent un fort atout sur lesquelles s’appuyer car elles ne sont pas impactées.
Néanmoins, il est important de noter que l’exploitation des données first party peut être limitée par plusieurs facteurs.
En premier lieu, la taille de la base de données exploitable : si elle est trop faible, cela est très limitant. Il faut s’assurer que les bassins d’audiences consentis pour les cookies 1st et les opt-ins pour le CRM soient suffisamment importants afin d’être représentatifs une fois envoyés dans les plateformes médias. Cela dépend également des taux de matching entre la base client et les différentes plateformes médias.
Puis, l’étape incontournable de la conformité légale : avant de pouvoir envoyer ses données propriétaires à n’importe quel acteur média, il faut cadrer juridiquement son utilisation. Selon les annonceurs et la politique juridique interne, cela peut représenter un véritable challenge.
Ensuite, il faut s’assurer d’avoir un processus d’envoi de la donnée qui soit robuste et efficace. Cela nécessite le travail des équipes internes pour développer des connecteurs API en direct avec les différentes plateformes médias ou bien passer par des plateformes tierces de confiance pour certains annonceurs. La définition de l’architecture data est propre à chaque annonceur et sollicite les ressources internes.
Nous observons chez nos clients que le coût d’achat média est généralement plus élevé sur les audiences first party et que les algorithmes des plateformes ont des difficultés à investir sur ces listes d’audiences. Cependant, même si les CPM sont plus élevés, nous remarquons en général un engagement plus fort sur des KPIs type taux de complétion, visites engagées et taux de conversion de la part des audiences first party.
Face à ces défis, il est essentiel de déployer une stratégie claire, avec un processus de test & learn systématisé. C’est cette expertise que nous avons développée auprès de nombreux clients, et nous conseillons vivement de s’entourer de profils spécialisés.
Ces dernières années ont aussi vu se développer de multiples solutions de mesure basées sur les audiences first party. Aujourd’hui, les données propriétaires ne se limitent plus à des cas d’usage de ciblage, elles permettent également d’enrichir la mesure et l’attribution.
Premièrement, l’ère du “cookieless” rend les plateformes de plus en plus pauvres en données, notamment sur la mesure de la performance des campagnes.
Deuxièmement, le marché digital se fragmente de plus en plus. Nombre d’applications et, surtout, d’environnements logués se sont développés ces dernières années avec toujours plus de fonctionnalités internes afin de garder au maximum l’utilisateur au sein de l’écosystème applicatif/site. En effet, on estime qu’aujourd’hui 28 fois plus de contacts viendraient des plateformes (Google, Waze) que des sites web. La durée moyenne des sessions sur un site web a chuté de 7,5 % entre 2022 et 2023³. Les données sur le parcours de l’utilisateur sont donc de plus en plus silotées et il devient de plus en plus difficile pour les annonceurs d’avoir une vision holistique sur le parcours en ligne de leurs clients.
C’est grâce à la donnée first party que les plateformes médias entendent faire face à ces deux tendances. Non seulement parce qu’elle représente une clé de réconciliation, mais aussi parce qu’elle incarne un élément de mesure plus fiable et plus pérenne que le cookie.
C’est pourquoi aujourd’hui il devient primordial de développer des solutions de mesure comme CAPI ou Enhanced Conversion afin d’enrichir et de rendre durable votre modèle de mesure déjà en place. Certains GAFA, comme Amazon par exemple, proposent des solutions de Data Clean Rooms qui permettent d’échanger de la donnée PII à des fins de mesure de la performance des campagnes.
De son côté, l’open web entend faire de même grâce au développement des solutions d’ID universels. Elles pourront débloquer des cas d’usage de mesure et d’attribution des campagnes display et vol dans des environnements non logués.
Ces nouveaux cas d’usage sont complexes et nécessitent une approche personnalisée, en fonction des priorités et des ressources de l’entreprise. Pour en maximiser la valeur, il est essentiel de s’entourer de profils spécialisés notamment sur les aspects juridiques, médias et tracking.
Conclusion :
Compte tenu des évolutions récentes du contexte média digital, la donnée first party devient plus que stratégique, c’est désormais une nécessité. Toutefois, sa gestion et son exploitation demeurent complexes. Afin d’en maximiser l’impact et de développer des cas d’usage à forte valeur ajoutée, il est essentiel de s’entourer d’experts. Nous serions heureux de mettre notre expertise à votre service pour vous accompagner dans cette démarche.
Sources :
1 : https://wearesocial.com/fr/blog/2024/02/digital-report-france-2024-%F0%9F%87%AB%F0%9F%87%B7/
2 : https://fr.semrush.com/blog/etude-zero-clics/
3 : https://contentsquare.com/fr-fr/blog/temps-moyen-passe-page-web/
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