L’e-Commerce n’est pas un eldorado !
J’ai récemment été interviewé par une journaliste sur la perception que j’avais du secteur e-Commerce. Je me permets de vous livrer quelques réflexions qui ont structuré mes réponses à ses questions.
1- Le e-commerce a explosé. Que cache ce succès apparent ? Quels sont les pièges à éviter lorsque l’on entreprend sur ce secteur ?
L’e-Commerce est un secteur qui explose en termes de chiffres d’affaires et de nombre d’e-marchands. Le problème est d’oublier que dans ces chiffres, les auto-entrepreneurs côtoient les multinationales avec des secteurs d’activité très variés (de l’habillement à l’alimentaire en passant par l’informatique ou le mobilier). Il faut se rendre compte de manière générale qu’il s’agit d’un secteur peu ou pas rentable où des acteurs présents depuis parfois 10 ans ont du mal à atteindre l’équilibre (Cdiscount ou Rueducommerce par exemple affichent des pertes). Seule exception, VentePrivee.com qui affiche une rentabilité importante liée à sa capacité de pratiquer de fortes marges.
Pour les nouveaux entrants, il faut se rendre compte que beaucoup de secteurs sont saturés. Il est de moins en moins coûteux de lancer une boutique mais paradoxalement de plus en plus coûteux de lancer une boutique rentable. Cette concurrence exacerbée génère une guerre des prix avec des marges très basses et une grande difficulté pour les nouveaux de générer des volumes de ventes suffisants. Sans volume, pas de possibilité de négociation avec les fournisseurs ; il sera également difficile de développer votre catalogue.
Enfin, devant l’apparente facilité de lancer une activité e-Commerce, il faut savoir qu’il y a une multitude de métiers et d’expertises à maîtriser. Il faut au moins maîtriser ou déléguer 4 métiers pour commencer :
- Commerçant : dénicher les bons produits et les bons fournisseurs, négocier les prix d’achat, avoir le sens du client et du service, mettre en valeur ses produits…
- Développeur : même si vous utilisez des solutions packagées, que vous vendez sur eBay, vous serez un jour amené à soulever le capot et à comprendre comment fonctionne votre site web (HTML, PHP, CSS, etc.).
- e-Marketeur : faire venir des prospects et les convertir est un métier où il faut choisir les bonnes sources de trafic et améliorer son site, tout en n’oubliant pas la fidélisation, une voie sous-estimée pour atteindre la rentabilité.
- e-Logisticien : gérer un stock et acheminer des produits au domicile de ses clients ne s’improvise pas surtout pour des produits volumineux (exemple : canapés, piscines, …)
Je ne peux que recommander de se faire accompagner et de se former en amont d’un projet s’il manque au créateur une des quatre casquettes.
2- Quel est le secret pour réussir et être bien référencé sur cette “jungle” hyper concurrentielle ?
Pour pouvoir acheter sur votre boutique, le consommateur doit déjà vous trouver. Il vous faut donc être trouvable autant sur votre marque que sur les mots clés liés à votre catalogue produits, sans oublier que l’internaute fait des erreurs d’orthographe et de saisie. Il s’agit là d’une logique de zone de chalandise sémantique : vous cherchez à vous positionner face à un besoin exprimé par un prospect. Vos concurrents en feront de même.
Les deux approches suivantes sont quasi indispensables : le référencement naturel et le référencement payant. Pour simplifier à l’extrême, le référencement naturel génère du trafic sur votre site car l’algorithme d’indexation de Google / Bing détermine que vous êtes pertinents sur certains mots ou expressions car vos contenus sont de qualité, bien structurés, avec une bonne fraicheur, en quantité importante et que d’autres sites pointent vers votre site via des hyperliens. Le référencement payant détermine que vous êtes pertinents sur un mot clef ou une expression car vous êtes prêts à payer le plus cher une visite générée par ce mot ou cette expression et que vos annonces/offres sont pertinentes pour les internautes. Il s’agit d’un système d’enchères en temps réel.
Pour estimer la concurrence sur un secteur avant de se lancer, il suffit de se placer dans la peau d’un client et de saisir quelques expressions liées aux produits que vous souhaitez vendre dans un moteur de recherche (Google affiche plus de 90% de part de marché en France). Vous verrez alors apparaitre certains de vos concurrents. Leur nombre, la qualité de leurs sites, leur agressivité commerciale… vous donneront des éléments déjà intéressants sur votre secteur. Ensuite vous pourrez utiliser « Google Keywords Generator » pour évaluer la concurrence sur les mots clefs qui vous intéressent, la volumétrie de recherches sur ces mots et le prix moyen que vos concurrents sont prêts à payer pour attirer une visite (via le CPC moyen : Coût Par Clic).
Si vous êtes curieux, vous pourrez aussi utiliser Google Adplanner pour estimer le trafic des sites concurrents et vous inquiétez éventuellement sur leurs difficultés à attirer des prospects.
Au final, le référencement naturel est une tâche de fond sur laquelle il faut investir en production de contenus réguliers (via un blog par exemple, mais attention à la ligne éditoriale et au fait de ne pas le laisser à l’abandon) tout en faisant attention à la structure de son contenu (balise titre et balise h1 par exemple) et en n’oubliant pas de chercher des backlinks (liens d’autres sites vers votre boutique).
Le référencement payant est bien plus simple en apparence, en à peine dix minutes vous pouvez lancer une campagne, mais il vous faudra sortir la carte bancaire et surveiller de très près votre budget en activant des dizaines de leviers d’optimisation (ciblage géographique, sémantique, horaire, technologique…). Pas de secret, les premiers temps de toute boutique sont marqués par une hyper dépendance à Google Adwords (référencement payant chez Google) car vous n’aurez pas encore créé votre propre marque et que le référencement naturel est une course de fond.
3- Quels sont les avantages et les contraintes du métier d’e-commerçant ?
Parmi les avantages, il y a naturellement les avantages liés à toute aventure entrepreneuriale : liberté, indépendance, potentiel, absence de supérieur… Le fait d’entreprendre sur Internet amène également la possibilité de travailler à domicile (voir l’explosion du nombre de « mompreneurs » sur Internet) et laisse germer dans l’inconscient un besoin d’investissement moindre (pas besoin de faire un prêt comme pour une boutique). Il s’agit là naturellement d’une erreur, car le pas de porte qui est garant d’un passage de prospects dans la vraie vie a aussi un coût important sur Internet, il s’agit juste d’un pas de porte « sémantique » qui se construira à coût d’investissement en référencement payant (logique court terme) et en référencement naturel (logique moyen et long terme).
Parmi les autres contraintes, il ne faut pas sous-estimer la charge de travail et notamment le fait de travailler tard ou le week-end si vous souhaitez avoir une logique de réactivité dans le service client, la promesse du web étant la disponibilité du service 24h/24h. On se rapproche là d’horaires de travail d’une petite épicerie de quartier dans les grandes villes…
Enfin, pour exister et survivre, je ne sais si c’est une contrainte ou un avantage d’ailleurs, il faut constamment se former et apprendre, notamment lorsqu’on ne dispose pas d’une connaissance des 4 métiers de base de l’e-commerce.
4- Quelle est votre vision du marché ? Pensez-vous qu’il y a toujours de la place pour les nouveaux sites marchands ?
De la place, il y en a forcément toujours, c’est le principe d’une économie capitaliste, il faut juste être meilleur que les autres. Vous pourrez certainement trouver quelques secteurs avec des niches vierges, mais il faudra se questionner car nombreux sont les candidats à l’aventure e-Commerce qui ont testé et arrêté l’aventure… La virginité d’un secteur n’est pas forcément rassurant !
Au final, l’hyper concurrence laisse donc de moins en moins de place à l’amateurisme et donc seuls les sites marchands avec des équipes expertes sur les quatre métiers de base de l’e-Commerce peuvent aujourd’hui espérer se faire une place durable. Il y aura toujours des malheureux qui croiront à l’Eldorado, mais pour un succès facile sans travail combien de milliers d’échecs ?