Comment redonner du sens aux promotions ?
A l’occasion de la sortie du livre blanc “Pricing et promotion : optimiser l’impact dans un marché concurrentiel » : réalisé par l’équipe Pricing de Converteo, Isabelle Dupuis et Victor Fulconis, respectivement Senior Expert Pricing et Partner Business Consulting chez Converteo échangent sur les défis posés par les politiques promotionnelles dans un contexte d’inflation et de discount généralisé.
Pourquoi les méthodes traditionnelles de gestion des promotions ne fonctionnent-elles plus aujourd’hui ?
Isabelle Dupuis : Généralement, les animations commerciales sont définies en silos, ce qui produit souvent un manque de cohérence global. Les différents services (marketing, e-commerce, category management…) travaillent de manière isolée, ce qui peut aboutir à des promotions mal synchronisées voire, dans le pire des cas, contradictoires.
De plus, dans le contexte ultra-concurrentiel que nous connaissons actuellement, de nombreuses décisions promotionnelles sont prises « sous pression » pour faire face à la nécessité d’atteindre les objectifs de vente et rattraper un retard, ce qui conduit à une multiplicité de types de promotions décidées à des timings très différents. Cette approche génère non seulement de l’incohérence mais aussi un risque de cannibalisation entre les offres.
Enfin, historiquement, dans la grande distribution notamment, la promotion n’était pas orientée client mais répondait principalement à des besoins internes tels que le déstockage, se trouvant ainsi souvent déconnectée des attentes réelles des consommateurs. Heureusement, nous pouvons désormais parler de cette approche au passé. Un changement de paradigme s’opère progressivement, grâce à l’exploitation des données clients disponibles sur les comportements d’achats ou les préférences consommateurs. Cette évolution a permis aux enseignes de proposer des offres plus personnalisées et centrées sur le client. Dans ce nouveau paradigme, la promotion n’est plus un simple outil de gestion des stocks, mais un levier stratégique d’engagement et de fidélisation.
Victor Fulconis : En effet, et j’ajouterais à ce constat que cette approche en silos conduit souvent à des incohérences entre les dispositifs promotionnels et le positionnement de la marque (prix, image, relation client…). Par exemple, les programmes de fidélité et autres actions CRM ne sont pas toujours alignés avec les promotions en magasin, ce qui est source de confusion chez les clients, tout en diluant l’impact global des actions marketing.
Enfin, chaque secteur présente des défis uniques qui obligent à repenser les méthodes traditionnelles. Prenons le secteur textile : il repose fortement sur les démarques de fin de saison pour écouler les stocks, mais cela peut brouiller la perception du « juste » prix chez les consommateurs. De même, les marques positionnées sur des segments premium doivent trouver un équilibre délicat entre la pression concurrentielle et le maintien de leur image haut de gamme. Ces dynamiques sectorielles complexes nécessitent de challenger les méthodes de définition des promotions.
Dans ce contexte, quels sont les conseils que vous donnez aux enseignes qui souhaitent mieux maîtriser l’impact de leurs promotions ?
Victor Fulconis : Il est indispensable de valider que le format du dispositif promotionnel et les messages associés sont bien alignés avec le positionnement marketing de l’entreprise. Pour prendre un exemple grossier, une marque de maroquinerie de luxe qui ferait une promotion « 2 sacs pour le prix d’un » viendrait détruire de la valeur à long terme plutôt qu’en créer. En étant moins caricatural, on peut se demander si une entreprise qui souhaite développer une relation de confiance à long terme avec ses clients sert vraiment cet objectif en faisant des promotions à durée très limitée, visant à déclencher des achats d’impulsion pouvant être perçus comme manipulateurs…
J’insisterais aussi sur l’importance de (re)définir clairement l’objectif de chaque dispositif promotionnel en amont. Qu’il s’agisse d’écouler des stocks, de recruter de nouveaux clients ou de fidéliser la base existante, chaque enjeu implique une approche et des indicateurs spécifiques. Cette clarté initiale permet d’aligner toutes les équipes et de mesurer plus efficacement le succès de l’opération. On ne peut plus aujourd’hui se contenter de reconduire année après année les mêmes plans d’actions commerciales.
Isabelle Dupuis : Effectivement, une des clés de réussite réside dans la définition précise des indicateurs clés de performance (KPIs) et la mise en place d’un modèle robuste de mesure de l’efficacité promotionnelle. Il est indispensable de concentrer son attention sur un ROI global plutôt qu’uniquement sur le chiffre d’affaires brut généré par une promotion.
Comme l’évoque Victor, il est également important de compléter cette analyse avec d’autres indicateurs pertinents, qui correspondent à chaque type de promotion. Par exemple, si l’objectif est d’écouler des stocks, il faudra suivre de près le taux de vente des stocks excédentaires, tandis que si l’enjeu est d’augmenter la fréquence d’achat, on regardera plutôt le nombre moyen de transactions par client sur une période donnée (semaine, mois, trimestre).
En suivant de façon régulière ces indicateurs, on peut améliorer en continu les dispositifs pour gagner en efficacité et en rentabilité.
Justement, quels éléments doivent être pris en compte pour ajuster en continu les promotions ?
Isabelle Dupuis : Il existe de nombreuses façons d’ajuster les promotions en modifiant leurs paramètres tel que le pourcentage de réduction évidemment, mais aussi la durée de la promotion et son timing. Pour procéder à ces ajustements de façon judicieuse, il est essentiel d’avoir au préalable testé une variabilité de promotion pour collecter les données nécessaires à la mesure de l’impact des divers paramètres.
On peut aussi tester les familles de produits concernées par la promotion, mais pour cela, il faut bien avoir analysé le « rôle » de chaque famille de produits. Certaines sont des produits « de destination » qui attirent les clients, tandis que d’autres sont des produits « de complément » dont la promotion peut simplement diluer les marges sans générer de trafic supplémentaire – ce qui est à éviter absolument.
Victor Fulconis : En plus de ces considérations, il est crucial de mener une veille promotionnelle constante pour surveiller non seulement les actions des concurrents, mais aussi celles des revendeurs dans le cadre d’une distribution intermédiée. Enfin, pour éviter de concevoir les promotions dans l’urgence, il est essentiel d’établir des lignes directrices claires en début d’année. Cela permet de réagir efficacement en période de crise tout en maintenant le cap stratégique.
Concrètement, comment simplifier l’orchestration des promotions, alors que ce processus implique souvent plusieurs équipes ?
Isabelle Dupuis : Comme nous l’avons vu, il existe plusieurs types de promotions. Certaines sont planifiées bien à l’avance dans un calendrier annuel, tandis que d’autres sont plus tactiques, souvent mises en place en réaction à un contexte particulier. Dans ce deuxième cas, il arrive parfois que les promotions soient décidées dans l’urgence et sous pression, sans suivre le processus habituel de validation, notamment par l’équipe de pricing.
Comment éviter de telles situations ? En établissant un modèle robuste d’évaluation des promotions, on peut identifier les mécanismes efficaces selon différents contextes. Cela permet de définir une liste de déclencheurs (« triggers ») qui servent de base pour décider de l’opportunité d’activer une promotion dans un contexte donné. Ce modèle devient alors l’argument le plus solide pour approuver ou rejeter une proposition d’animation commerciale.
Victor Fulconis : Pouvoir prendre des décisions en s’appuyant sur des modélisations et des données change la donne, en effet. J’ajouterais aussi qu’il est important d’avoir une vue d’ensemble des différents dispositifs promotionnels à activer, qu’il s’agisse de CRM, de programmes de fidélité ou d’offres en magasin. Chaque dispositif a ses forces et ses faiblesses, et le choix doit être guidé par les objectifs spécifiques de la promotion.
Le sujet vous intéresse ? Téléchargez le livre blanc “Promo, stop ou encore ? Des clés pour redonner du sens à la promo” réalisé par l’équipe Pricing de Converteo.
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