La mise en place du Consent Mode chez L’Oréal, une solution pour concilier expérience client et privacy
Depuis 2023, le groupe L’Oréal déploie le Consent Mode de Google sur l’ensemble de ses sites dans le monde. Thomas Bianconi, Head of Data Technologies chez l’Oréal, Alexis Vuillermoz, Technical Program Manager Global Client Solutions chez Google et Baptiste Laurenge, Lead Analytics & Conversion chez Converteo reviennent ensemble sur ce projet ambitieux.
Qu’est-ce que le Consent Mode et en quoi permet-il de répondre aux enjeux des annonceurs tout en respectant la vie privée des utilisateurs ?
Alexis Vuillermoz, Google : Le Consent Mode permet de communiquer à Google l’état du consentement des utilisateurs concernant les cookies ou les identifiants d’applications. Les balises ajustent leur comportement et respectent les choix des utilisateurs.aux utilisateurs de transmettre leurs choix de consentement à propos des cookies : notre solution reçoit les choix de consentement des utilisateurs à partir des bannières de consentement et ajuste ensuite dynamiquement le comportement de nos produits, comme Analytics et Ads, en fonction de ces choix.
Deux options d’implémentation sont disponibles :
- le Consent Mode basique, qui bloque le chargement des balises Google jusqu’à ce que l’utilisateur interagisse avec la bannière. Cette configuration ne transmet aucune donnée à Google avant que l’utilisateur n’ait interagi avec la bannière de consentement. Lorsque l’utilisateur donne son consentement, les balises Google se chargent et exécutent les API du mode Consentement. En revanche, si l’utilisateur ne donne pas son consentement, aucune donnée n’est transmise à Google (pas même l’état du consentement). Le déclenchement des balises Google est totalement bloqué.
- le Consent Mode avancé, permettant de charger les balises lorsqu’un utilisateur accède au site Web ou à l’application et de transmettre des pings sans cookie lorsque le consentement est refusé.
Ce mode avancé permet une modélisation plus précise des conversions, car il intègre un modèle spécifique à l’annonceur. Ainsi, nos clients peuvent bénéficier d’un reporting probabiliste plus précis pour les utilisateurs qui ne donnent pas leurs consentements et ils peuvent continuer à optimiser les parcours, grâce à une modélisation plus précise des conversions.
Baptiste Laurenge, Converteo : Effectivement, le Consent Mode vient apporter des réponses à deux grandes tendances du marché : d’une part un cadre réglementaire de plus en plus exigeant en matière de respect de la vie privée des utilisateurs, et de l’autre, une raréfaction des données consenties et observables dans les plateformes média et analytics. Chez nos clients, nous observons en moyenne 30% de données en moins…
Dans ce contexte, le Consent Mode permet de moduler ce qui est collecté ou non, en fonction des choix de l’utilisateur, de transmettre les finalités de traitement des données auxquelles il a consenti et de compenser la perte de données observables par de la donnée modélisée. Le tout dans le respect des réglementations (RGPD, DMA).
Pourquoi L’Oréal a-t-il fait le choix d’intégrer cette solution en 2023 ?
Thomas Bianconi, L’Oréal : Chez L’Oréal, nous cherchons à apporter le meilleur de la beauté à chaque personne, partout dans le monde. Nous estimons aussi que cette notion de beauté est quelque chose de personnel, qui est propre à chacun. Nos sites internet et nos contenus se doivent donc de refléter cette vision, à travers la personnalisation et une approche centrée sur les consommateurs. Afin de proposer cette expérience, nous avons besoin de collecter des données sur les usages et les utilisateurs, dans un cadre qui respecte leur vie privée.
Le Consent Mode de Google associé au Google Tag Manager Server nous donne désormais la possibilité de suivre les recommandations des autorités européennes en matière de protection de la vie privée. Cela nous permet de nous assurer que nous ne collectons jamais de données personnelles chez nos utilisateurs n’ayant pas fourni de consentement. En outre, avec l’entrée en vigueur du Digital Marketing Act (DMA) en Europe en 2024, l’activation du Consent Mode est devenue un prérequis pour utiliser les outils Google et donc pour améliorer l’expérience de nos utilisateurs.
Baptiste Laurenge : Les solutions comme Google Tag Manager Server permettent en effet de contrôler très finement quelles données sont transmises aux plateformes tierces. Par exemple, dans l’approche classique depuis plusieurs années – la collecte “client side” – l’adresse IP de l’utilisateur est forcément associée à tout pixel envoyé vers un tiers, alors qu’avec une collecte “server side”, il est possible de supprimer systématiquement ce type de données sensibles. Les annonceurs ont désormais la main sur ce sujet.
C’est l’une des raisons pour lesquelles nous voyons beaucoup de clients, qui, comme L’Oréal, font le choix de déployer le Consent Mode avancé tout en s’équipant de solutions “server side”, dans le but de préparer la fin des cookies tiers et de disposer de solutions de tracking média conformes aux exigences réglementaires.
Le groupe l’Oréal est présent dans le monde entier, avec de nombreuses marques et différents marchés : quels ont été les challenges à relever pour mettre en place cette solution ?
Thomas Bianconi : D’un point de vue technique ou organisationnel, il n’y a pas eu de complexité particulière : un tel déploiement répond aux mêmes problématiques que d’autres projets globaux. Nous avons pu nous appuyer sur la qualité de nos infrastructures existantes, notre stack technique était prête pour l’implémentation. En Europe, du fait de l’entrée en vigueur du DMA, nous n’avons pas eu à convaincre de l’intérêt de mener ce chantier : il fallait le faire, de toute façon. Dans le reste du monde, par contre, le challenge restait entier : nous avons passé beaucoup de temps à expliquer à nos DPO comment fonctionnait le Consent Mode, en quoi il respectait les différentes réglementations locales, etc. Dans les quelques cas de doute ou d’incompréhension, nous avons privilégié la première étape : le recours au mode basique du Consent Mode.
Baptiste Laurenge : Pour mener à bien cette démarche de pédagogie envers les stakeholders, il a été important d’y aller progressivement, avec la mise en place de POC et de pilotes sur une demi-douzaine de sites dans des pays différents. En menant des tests en parallèle de l’existant pour comparer données observées et données modélisées, L’Oréal a pu démontrer les avantages de la solution – à la fois en termes de privacy, en montrant qu’aucune donnée non-nécessaire transitait par la solution – et en termes d’efficacité de la modélisation. Grâce à ces preuves concrètes, il a ensuite été possible de mener une première vague d’implémentation après des marchés les plus appétents.
Alexis Vuillermoz : Cette approche de POC et de pilotes menés avec certains pays peut sembler assez classique, mais dans le cas de L’Oréal, la démarche a été très innovante et surtout très scientifique : les équipes ont cherché à comparer très précisément les apports de notre solution, à périmètre identique. Pouvoir apporter une “preuve par le chiffre” a été déterminant et beaucoup d’échanges ont été menés sur le sujet.
Rétrospectivement, quels ont été les facteurs de succès de ce déploiement ?
Thomas Bianconi : Dans tous nos marchés, il y avait une très forte attente sur le sujet de la data privacy, mais aussi sur la qualité de l’expérience utilisateur, avec la nécessité de retrouver une visibilité complète sur les usages de nos sites internet. Il fallait donc apporter une solution de collecte de données qui concilie les deux, en donnant la preuve de son efficacité. S’adapter à l’évolution de la réglementation, grâce au Consent Mode avancé à GTM Server, c’est retrouver une forme de simplicité et de qualité des données
Baptiste Laurenge : Le plus important a été de démontrer la fiabilité des modélisations et de donner confiance dans la solution. On passe d’un monde dans lequel on était habitués à utiliser 100% de données observées, à un monde qui s’appuie sur des modèles probabilistes. Il fallait donc montrer que les méthodes statistiques et les algorithmes basés sur des données réelles peuvent fournir des insights toujours aussi qualitatifs.
Alexis Vuillermoz : De notre côté, la collaboration et la transparence ont été clés : il était important pour nous d’accompagner un acteur comme L’Oréal dans le déploiement de la solution, en expliquant à la fois la théorie et la mise en pratique, et en fournissant des moyens de vérifier la qualité de la solution. L’implication des différentes parties prenantes – notamment juridiques et DPO – a aussi été déterminante.