Spécificités et enjeux des analyses de données pour les applications mobiles
Dans un contexte où les processus de création de sites (web et mobile) ou applications mobiles intègrent de plus en plus les approches data-driven, les équipes métier sont amenées à analyser la donnée pour mieux concevoir leurs produits ou piloter leurs budgets d’acquisition.
Or, les usages et user stories diffèrent selon que la navigation ait lieu sur un site (notamment un site web) ou une application mobile. Il est donc important d’en tenir compte également dans la manière dont nous analysons les données récoltées.
Application mobile : des usages particuliers
Avant de commencer à analyser les comportements d’une audience sur une application mobile, il est important d’être conscient de ces 4 particularités :
1. L’audience d’une application mobile est souvent plus qualifiée que celle d’un site web. En effet, l’utilisateur aura fait l’effort d’installer l’application de la marque sur son téléphone mobile, device considéré intime. Pour ce faire, il faut qu’il ait accordé sa confiance et qu’un réel besoin ou envie d’utiliser le produit se soit manifesté. Ces propos sont tout de même à nuancer : certains utilisateurs peuvent par exemple télécharger une application seulement pour se débarrasser d’une publicité sur un site mobile qui les incite à le faire.
Message d’incitation au téléchargement de l’application sur le site mobile du Figaro
2. La navigation depuis une application est souvent beaucoup plus connectée. Il est plus facile pour une marque de faire en sorte que l’utilisateur se connecte à un compte personnel depuis une application, car celui-ci est bien souvent déjà convaincu de vouloir utiliser le service (il a fait l’effort de télécharger l’application). La connexion de l’utilisateur reste cependant un enjeu pour certaines marques offrant la possibilité de naviguer sur leur app de façon anonyme. La solution pour elles réside souvent dans le fait de proposer des fonctionnalités additionnelles à l’utilisateur qui accepterait de se créer un compte / de s’abonner au service. Les analyses pourront donc plus facilement être centrées utilisateur.
Options disponibles via un compte premium sur l’application MacGeneration
3. Les utilisateurs ayant installé une application sur leur device personnel sont de fait plus captifs. D’ailleurs, ne pas ouvrir une application depuis son téléphone ne signifie pas forcément que l’on ne l’utilise pas. Il est tout à fait possible d’installer une app et de l’utiliser sans jamais l’ouvrir soi-même, par exemple via un assistant personnel comme Siri sur iOS (Rappels, Chronomètre, etc.), via les notifications push (2) (L’Equipe et plus généralement toutes les apps média) ou encore via le deep-linking (3).
4. L’utilisation d’une app mobile dépend beaucoup des micro moments. Sur mobile (sites et applications), l’utilisateur est très souvent interrompu (perte de réseau, appel impromptu, etc.). C’est une spécificité qu’il faut garder en tête lorsque l’on conçoit une app, que l’on construit une stratégie marketing ou que l’on analyse les données de comportement. On peut par exemple observer que les sessions sont de plus courte durée sur mobile, sans pour autant en déduire un manque d’intérêt de la part de l’utilisateur.
Quelles analyses possibles ?
Certaines analyses restent évidemment communes aux apps et aux sites web, comme par exemple l’évolution du nombre de sessions dans le temps ou encore la réalisation d’objectifs définis et le calcul de taux de conversion.
Les plans de marquages sont d’ailleurs organisés autour des mêmes éléments (les pages ou écrans vus, les dimensions personnalisées – ex : le statut de fidélité de l’utilisateur – et les interactions spécifiques à suivre). Il est également conseillé de conserver une cohérence entre le tracking d’un site et celui d’une app, ne serait-ce que pour faciliter une comparaison des données par device et plateforme.
En revanche, d’autres analyses que vous avez l’habitude de mener grâce aux données récoltées à partir de sites seront plus difficiles à reproduire pour une application mobile :
1. L’analyse des sources de trafic : il est très difficile de récupérer des informations concernant la source de trafic et le mot clé qui ont permis à l’utilisateur de télécharger une application sur un store. Ainsi, la source de trafic identifiée dans votre outil analytics sera bien souvent « direct », étant donné qu’une application fonctionne la plupart du temps en circuit fermé. Il est par contre possible d’obtenir des données par exemple via les régies publicitaires (ex : clics sur les publicités in-app) ou lorsque l’on mène des campagnes couplées à du deep-linking.
2. Le suivi cross-app (à la manière du suivi cross-domain) : alors que sur le web, il est possible de suivre la navigation d’un utilisateur non connecté sur plusieurs domaines, il est difficile d’identifier des visites de plusieurs applications se rapportant à un même utilisateur si celui-ci n’est pas connecté. Même si une telle analyse se prête moins au cas de l’application car elle fonctionne en écosystème fermé, cela pourrait être très intéressant pour les marques possédant plusieurs applications (ex : apps d’un groupe média, apps d’un gestionnaire de centres commerciaux, etc.).
3. L’analyse du taux de rebond : cet indicateur très suivi pour le pilotage de la performance d’un site (plus particulièrement d’un site web) n’a pas d’équivalent sur une app, tout simplement car il n’est pas pertinent. En effet, à partir du moment où un utilisateur ouvre régulièrement votre app, c’est qu’il y trouve son intérêt et que ses attentes sont satisfaites, même s’il ne visualise qu’un écran à chaque session (ex : Météo, Calendrier, Bankin’, Orange et moi, etc.).
Application Météo – Application Calendrier – Application Orange et moi (suivi conso, facture, etc.)
À l’inverse, certaines métriques spécifiques aux applications mobiles vous intéresseront, comme par exemple l’évolution du nombre d’utilisateurs actifs ou de téléchargements de l’app, la fréquence des utilisations, le taux d’utilisateurs ayant rencontré un plantage ou le taux d’adoption des nouvelles versions. Cette dernière métrique est particulièrement importante car il est fréquent qu’au cours d’une période donnée, plusieurs versions d’une même application avec des fonctionnalités différentes continuent d’être utilisées (ce problème se pose peu sur le web), ce qui nécessite de procéder à des analyses par version. Ces principaux KPIs permettent d’avoir une vision sur le taux d’utilisation de l’application et sa capacité à retenir les utilisateurs. Le suivi d’interactions spécifiques au mobile comme les tap, pinch et swipe, ou encore les changements d’orientation de l’écran (portrait / paysage) peuvent également aider à compléter vos analyses.
Enfin, les méthodes de travail pour la mise en place d’un tracking personnalisé doivent elles aussi varier lorsque l’on travaille sur une application mobile, en ce sens qu’elles nécessitent d’intégrer un développeur tout au long du projet pour la mise en place de dimensions personnalisées et événements. En effet, un accès au code source et une soumission de l’app sur les stores seront nécessaires pour l’implémentation de ces éléments, tandis que lorsqu’il s’agit du tracking d’un site, un TMS (3) implémenté en début de projet peut offrir beaucoup d’autonomie aux équipes marketing en permettant de baser des déclencheurs de tags sur n’importe quel élément du DOM (même si cette méthode n’est pas idéale). Le TMS peut tout de même s’avérer utile pour une application car il permet de garder facilement la main sur la mise en place de tags d’outils tiers (ex : AppsFlyer).
L’enjeu principal pour une app : retenir/réactiver ses utilisateurs
Si l’installation de l’app est un signe fort d’engagement de la part d’un utilisateur, cela n’assure malheureusement pas un fort taux d’utilisation par la suite (selon Google, 25% des apps installées ne sont jamais utilisées – source : https://www.thinkwithgoogle.com/consumer-insights/mobile-app-marketing-insights/). Un des enjeux majeurs est donc de rappeler à vos utilisateurs que votre application répond à leur besoin, et qu’ils ont tout intérêt à continuer de l’utiliser. Pour travailler la relation lors des micro moments dans ce but, plusieurs moyens s’offrent à vous.
Mettre en place des campagnes marketing
Celles-ci peuvent prendre plusieurs formes :
- Rappeler à un utilisateur qu’il a installé l’app et qu’elle peut répondre à son besoin
- Pousser une publicité ciblée aux utilisateurs qui ont déjà installé l’app sur leur téléphone
Créer des scenarii de notifications push
Cette méthode est très efficace pour réactiver un utilisateur, à condition qu’il ait autorisé l’app à lui envoyer des notifications. Il s’agit donc de choisir le bon moment pour proposer ce service, et de mettre en avant de réels bénéfices pour maximiser les chances qu’il donne son consentement. L’idéal est de proposer le service à la suite d’un tutoriel d’onboarding. Cela peut se faire lors de la première visite, ou même lors des suivantes pour ne pas effrayer ou énerver l’utilisateur de prime abord.
Exemple d’une notification push
Manier l’art du deep-linking
Cette méthode consiste à utiliser des liens (par exemple, au clic sur un email reçu) afin de rediriger l’utilisateur soit dans un navigateur s’il ne possède par votre app, soit directement dans l’app s’il l’a déjà installée sur son téléphone. Cela permet de proposer à l’utilisateur un écosystème de navigation complètement fluide (une redirection vers une app native est souvent plus performante qu’une redirection vers un site mobile) tout en créant une opportunité pour l’utilisateur d’interagir de nouveau avec l’app qu’il aurait délaissée.
Quelles solutions pour tracker une application mobile ?
Chez Converteo, nous accompagnons plusieurs clients sur des sujets de déploiement de tracking pour des applications mobiles. La plupart d’entre eux utilisent les outils de Google (Google Analytics et/ou Firebase) pour analyser leurs données. Trois méthodes d’implémentation du tracking sont majoritairement utilisées :
- L’ajout du SDK Firebase seul, qui permet d’envoyer les données dans Firebase, l’outil app-analytics de Google
- L’ajout du SDK Firebase ainsi que l’implémentation additionnelle de Google Tag Manager, qui permet d’envoyer les données aussi bien dans Firebase que dans Google Analytics
- L’ajout du SDK TagCommander, qui permet d’envoyer les données dans Google Analytics
Les deux dernières méthodes citées ont l’avantage d’inclure un TMS, ce qui permet aux équipes métier de bénéficier des avantages d’un tel outil (autonomie et flexibilité dans le déclenchement de tags tiers).
4 exemples de méthodes d’implémentation d’un tracking d’application mobile
Bien évidemment, mêmes si elles sont moins utilisées, des solutions spécialisées sur l’app analytics existent et sont de très bonnes alternatives aux outils Google :
- Flurry Analytics : outil similaire à Firebase
- Mixpanel : solution centrée sur l’utilisateur et ses parcours, sans notion de session (disponible aussi pour les sites)
- Etc.
À vous de choisir l’outil qui sera adapté à vos besoins (KPIs spécifiques aux applications mobile, croisement de données poussés, tableaux de bord intégrés, prise en main, etc.).
Pour conclure, si vous souhaitez analyser les données de vos applications mobiles, voici les quelques points à retenir :
- Gardez en tête que les utilisateurs d’applications mobiles ne se comportent pas comme les utilisateurs de sites (et qu’ils forment d’ailleurs parfois une audience à part)
- N’essayez pas à tout prix de trouver des équivalences entre les métriques analysées pour les sites d’une part et applications d’autres part
- Choisissez les bons outils pour tracker vos applications en vous interrogeant d’abord sur vos besoins de mesure et d’analyses (KPIs qui vous serviront à piloter l’activité) tout en évaluant les coûts d’un choix technique par rapport à un autre (coût d’un outil, coût d’implémentation, coût de formation ou conduite du changement, etc.)
Une fois l’application bien trackée et disponible sur les stores, il vous faudra très certainement faire la promotion de votre app et mettre en œuvre une stratégie pour générer des téléchargements.
(1) Notification push : message d’alerte envoyé à l’utilisateur d’un smartphone par le biais d’une application mobile installée sur son téléphone.
(2) Deep-linking : processus technique par lequel il est possible de créer des liens profonds permettant de pointer et diriger directement un utilisateur vers des contenus précis au sein d’une application mobile.
(3) TMS (Tag Management System) : outil utilisé pour simplifier et optimiser l’intégration et/ou la gestion de tags tiers sur un site ou une application mobile.
Auteur : Julie Charloto, Consultante Senior, Practice Analytics x Digital Products