Comment bien anticiper la fin des catalogues papier ?
Senior Manager chez Converteo, Olivier Becquart accompagne les marques et les distributeurs dans leurs transformations numériques. Parmi les enjeux du moment : la fin du prospectus papier et la bascule des mécaniques promotionnelles sur le digital. Alors que l’expérimentation “Oui Pub” est en cours dans 14 collectivités, il partage ses conseils et ses recommandations pour bien prendre ce virage et saisir les opportunités offertes par la digitalisation.
A retenir :
- Le dispositif “Oui Pub”, expérimenté depuis bientôt un an dans 14 collectivités est un laboratoire idéal pour analyser l’impact de la fin de la distribution des prospectus papier sur les performances des magasins, tout en permettant d’étudier l’impact des canaux alternatifs.
- Dans les zones pilotes, comme à l’échelle nationale, la “fin du papier” a tout intérêt à être anticipée par les retailers, en commençant par une démarche de “test-and-learn” adaptée aux différents contextes locaux. Cette échéance implique également de mener une conduite du changement, qui mobilise des équipes transverses, en central et en local, en interne et chez des partenaires.
- Que ce soit pour l’analyse des impacts à la maille du magasin ou des rayons, pour optimiser le mix média, personnaliser les offres ou améliorer les messages, la data, interne et externe, est un élément central de la stratégie des distributeurs.
—
Plusieurs tendances sont actuellement en train de converger pour inciter les distributeurs à mettre fin à leurs catalogues papier : la prise de conscience environnementale, la hausse des coûts d’impression et de distribution, l’accélération des usages digitaux… A cela s’ajoute une dimension réglementaire, incarnée par la loi Climat et Résilience d’août 2021, elle-même inspirée de la Convention citoyenne pour le climat.
Une logique d’opt-in, comme sur le web
C’est dans ce contexte que l’expérimentation “Oui Pub” a été lancée en 2022 dans 14 collectivités : elle est prévue pour durer 3 ans, avant une éventuelle généralisation à tout le territoire national. A la différence du dispositif “Stop Pub” qui prévalait jusqu’à présent, il s’agit d’entrer dans une logique d’opt-in, comme sur le web : dans les collectivités “tests”, les consommateurs doivent accoler l’autocollant « Oui Pub » sur leur boîte aux lettres s’ils souhaitent continuer à recevoir de la publicité.
Après un an d’expérimentation, le taux d’apposition de l’autocollant oscille entre 20 et 30% dans 8 territoires et il est en dessous de la barre des 10% dans 5 territoires, selon une première évaluation de l’Ademe. Dans les faits, cela se traduit par un arrêt de la distribution des prospectus dans ces zones, car ces taux d’acceptation ne permettent pas de trouver une équation économique viable pour leur distribution. Cette expérimentation est donc une opportunité intéressante pour anticiper l’arrêt du papier et explorer des canaux alternatifs…
Un accélérateur de digitalisation pour les enseignes
Il faudra attendre l’automne 2024 pour consulter le rapport complet de l’Ademe – qui inclura une évaluation de l’impact du dispositif sur l’acte d’achat – mais d’ores et déjà, nos premières observations sont plutôt encourageantes : malgré l’arrêt du papier, les magasins des zones concernées ne constatent pas de baisses anormales de leurs performances.
Dans les territoires “Oui Pub”, les enseignes ont en effet redoublé d’efforts pour informer les consommateurs : PLV, affichage, e-mailing, spots radio, campagnes dans la presse locale… Ces dispositifs ont généralement deux objectifs : développer les usages de leurs propres applications mobiles ou sites internet et/ou générer des inscriptions à leurs newsletters et programmes de fidélité. Bref, c’est un accélérateur de digitalisation.
Résultat : certaines enseignes affichent même des sur-performances dans les zones pilotes. Les enseignes alimentaires, en particulier, tirent leur épingle du jeu, car, par nature, ces distributeurs bénéficient de fréquences de visites et d’une présence à l’esprit bien plus fortes que les autres.
Ce constat a même incité certains distributeurs à aller plus vite que ce que le dispositif expérimental prévoyait : Leclerc a annoncé l’arrêt de la diffusion des prospectus papier dans tous ses centres au plus tard en septembre 2023, tandis que chez Carrefour, l’objectif est de passer à 40% de prospectus papier en moins en 2023, puis 80% en 2024. Cora, quant à lui, a déjà passé le cap de l’arrêt du papier, dès janvier dernier.
Une démarche itérative, adaptée aux contextes locaux
Chez Converteo, avant de généraliser l’arrêt des prospectus papier, nous recommandons de déployer des stratégies adaptées à chaque contexte local, avec l’aide des équipes terrain et en s’appuyant sur des données internes et externes. Les sensibilités RSE et la digitalisation des usages sont en effet loin d’être homogènes dans tout l’hexagone et il convient de bien segmenter son parc de magasins pour activer dans chaque cas les bons leviers. Parmi les points à analyser, citons les caractéristiques de la population dans la zone, la pression concurrentielle, l’offre produits et prix, les parcours client…
Cette première segmentation donne la possibilité de prédire la performance économique attendue (via la modélisation du CA potentiel), pour pouvoir réagir en cas de sous-performance d’un magasin ou d’un rayon après l’arrêt du papier. En fonction de ces différents paramètres, les leviers médias peuvent ensuite être activés et mesurés, via notamment du Marketing Mix Modeling.
Une fois qu’une bonne compréhension du contexte local et de sa performance média a été établie, il devient possible de définir un plan d’action pour faire évoluer le mix média et repenser les parcours. Parmi les questions à se poser : comment redirige-t-on les internautes vers le site internet, vers les e-catalogues ? Quels formats publicitaires utiliser pour faire connaître l’offre ? Quelles alternatives au prospectus proposer aux clients qui en avaient l’usage ? Quels parcours et communications déployer en point de vente pour informer les clients ? Comment personnaliser les offres de façon pertinente ?
Un sujet transverse, qui implique une conduite du changement
On le voit avec ces questions, il s’agit là d’un sujet totalement transverse, qui mobilise des équipes et des expertises très diverses : les experts médias, les directeurs de magasins, les forces de vente, le contrôle de gestion, les équipes digitales, les différents partenaires… Pour réussir cette démarche, il convient donc d’arriver à fédérer autour du projet toutes les équipes concernées, aussi bien en central qu’en local, en gardant toujours en tête l’intérêt du client.
A toutes les étapes, il s’avère très important d’avancer de manière itérative, avec des tests, des magasins témoins et des indicateurs de performance clairs. L’objectif : comprendre, en fonction de chaque cas de figure, les leviers et les messages qui fonctionnent (ou non), avant de passer à l’échelle et d’industrialiser le dispositif.
Finalement, avec cet enjeu de la digitalisation des catalogues, les enseignes ont devant elles une occasion rêvée de mieux servir leurs clients, tout en renforçant et en fluidifiant la communication entre le central et le local. À condition de bien manier les données et d’anticiper la conduite du changement !