CDP : un nouvel eldorado ou une énième désillusion du marketing ?
Cela fait une dizaine d’années que le concept de “Customer Data Platform” ou CDP s’est popularisé au sein des entreprises. Il faut dire que sa promesse est forte : centraliser les données client au sein d’une même plateforme, afin d’avoir une seule source de données à activer. C’est en quelque sorte le chaînon manquant entre le marketing, l’IT/Data et les commerciaux. Et pourtant ! Depuis 2021, Gartner place les CDP au creux de la vague des désillusions… Comment expliquer ce paradoxe ? Éléments de réponse avec David Guede, Senior Manager et Practice leader chez Converteo .
À retenir :
- Depuis 10 ans, les Customer Data Platform portent une promesse de centralisation de la donnée client/prospect, pour faciliter leur activation et le pilotage du business. Mais avant de se pencher sur la technologie, il convient avant tout de bien identifier les cas d’usage et les caractéristiques essentielles de la plateforme qui en découlent.
- En fonction des besoins identifiés, mais également de l’existant, la meilleure architecture pourra ensuite être choisie et déployée : “intégrée”, “hybride”, “composable”, ou encore “composable hybride”, afin de s’adapter aux contraintes et spécificités de l’organisation.
- Alors que la donnée first party devient un véritable asset pour les entreprises dans un contexte de fin des cookies tiers, les CDP représentent un levier particulièrement pertinent pour activer cette donnée. À condition toutefois de mettre l’utilisateur au centre du projet, au risque de tomber dans “la vague des désillusions décrite par Gartner.
Il existe plusieurs façons de décrire ou de définir une “Customer Data Platform”. Pour David Raab, le fondateur du CDP Institute et inventeur du terme, il s’agit d’un logiciel intégré qui crée une base de données client persistante et unifiée accessible à d’autres systèmes” (en anglais, “a packaged software that creates a persistent, unified customer database that is accessible to other systems”).
Une autre façon de voir les choses est de présenter la CDP plutôt comme “une interface permettant de donner aux équipes marketing toute l’autonomie dont elles ont besoin pour exploiter et activer la donnée client/prospect en se basant sur une vision 360° de toutes les interactions, digitalisées ou non, et de toutes les données client” : cette définition a le mérite de mettre l’utilisateur principal de la solution au centre du sujet.
Le chaînon manquant
La CDP se positionne ainsi comme le chaînon manquant entre le marketing, l’IT/Data et le fonctions marketing & ventes. Finis les allers-retours complexes et incessants pour créer des segments… Finies les campagnes qui génèrent des leads sans savoir s’ils deviennent effectivement clients… Finies les campagnes basées sur des critères partiels, car on ne connaît pas tous les points de contact. Finis les doublons avec des profils enregistrés sous plusieurs adresses e-mail… Enfin, une seule source de données à activer, qui sert également au pilotage du business !
Mais pour être pertinente, une CDP se doit d’intégrer plusieurs caractéristiques essentielles, qui, une fois de plus, mettent les utilisateurs au centre du projet :
- Ingérer des données clients/propects à partir de n’importe quelle source digitalisée,
- Pouvoir capturer tous les détails des données ingérées,
- Rendre disponible les données clients/prospects stockées,
- réconcilier les identités des clients et prospects pour créer des profils unifiés
- Mettre à disposition des profils unifiés des individus identifiés,
- Partager des données avec tout autre système en ayant besoin et les utilisateurs finaux,
- Répondre aux nouvelles données et aux demandes de profil,
- Gérer des données clients en conformité avec les réglementations locales en matière de confidentialité et de sécurité,
- Permettre aux équipes marketing de répondre à ses cas d’usage métier en autonomie, sans devoir dépendre des équipes IT, ou partiellement
Quatre architectures possibles
Une fois les cas d’usage et les pré-requis correspondant bien définis en amont, quatre modes d’implémentation sont possibles :
- La CDP intégrée (le cas le plus simple et historique) : la donnée est directement collectée par la CDP, puis elle est copiée sur les serveurs de l’éditeur pour être exploitée.
- La CDP intégrée hybride : la donnée reste dans le data warehouse et la CDP vient directement consommer cette ressource sans la copier sur ses propres serveurs.
- La CDP composable : l’ensemble des fonctionnalités de CDP peuvent être découpées et prises indépendamment. Cette situation se retrouve souvent quand les clients veulent continuer à utiliser leurs outils de gestion de campagnes ou n’ont pas besoin de l’interface utilisateur, car la donnée est directement disponible dans les autres systèmes d’information (comme l’outil de marketing automation, par exemple).
- La CDP composable hybride : la donnée reste stockée dans le datawarehouse sans être recopiée sur les serveurs de l’éditeur. C’est une architecture composable, c’est-à-dire avec des fonctionnalités qu’on peut prendre en options.
Penser métiers, pour se prémunir des déceptions
Les 4 scénarios ont des avantages et des inconvénients. Notons notamment que :
- Les CDP intégrées sont plus simples à déployer dans les environnements peu matures en termes de data, elles sont le plus souvent proposées avec des connecteurs prêts à l’emploi pour de nombreuses sources. Leurs coûts sont plus élevés, mais plus prédictibles. Ces solutions étant proposées en SAAS, la maintenance évolutive est rendue assez simple.
- Les CDP composables sont le plus souvent moins chères. Elles permettent également d’atteindre de bon niveaux de fonctionnalité, puisqu’il est possible de choisir un “best of breed” pour chaque composant. Mais elle requiert un socle de données mature, ainsi que des efforts d’intégration un peu plus élevés. La maintenance et l’évolutivité sont aussi plus complexes, en raison de la multiplicité des composants, souvent d’éditeurs différents. Il conviendra enfin de faire attention aux coûts générés par les traitements sur les plateformes de données cloud.
- Les CDP hybrides présentent le meilleur des 2 mondes : unicité de fournisseurs, offre de connecteurs, maintenance simplifiée par le SAAS, coût inférieur à la CDP intégrée. En revanche, comme la CDP composable, la CDP hybride requiert une bonne maturité du socle de données sous-jacent. Une attention particulière devra aussi être mise sur la maîtrise des coûts de traitement cloud.
Dans les faits, le mode hybride prend une place de plus en plus importante : c’est un moyen de contourner le frein de la DSI par le branchement direct au datawarehouse, puisque la CDP hybride renforce le rôle du datawarehouse et pérennise les investissements. Mais au risque de se répéter, comme c’est le cas pour la plupart des sujets data, le plus important n’est pas la technologie utilisée, ni même la quantité de données qu’on lui injecte, mais bel et bien les cas d’usage métier : ce sont eux qui doivent être au centre de tout projet CDP ! L’oublier, c’est prendre le risque de transformer l’outil en une simple base de données, coûteuse et sous-utilisée.