Retrait des cookies tiers et Privacy Sandbox  : le grand flou

Article Data Collect 10.07.2024
Par Deffay Sylvain

Sylvain DEFFAY, Senior Manager Media, expert en marketing digital, nous partage les évolutions des décisions et des impacts liés au retrait des cookiers tiers. 

 

  • Bien que la date de retrait des cookies par Chrome soit à nouveau reportée, il est important d’anticiper les risques et opportunités en jeu.
  • L’adserver : le grand oublié du cookieless
  • La proposition de valeur des DSPs pourrait changer
  • Il est important pour les annonceurs de mener une analyse des risques encourus
  • Pourquoi la mesure probabiliste va s’imposer à nos métiers

 

Le retrait des cookies tiers encore décalé

A l’heure où nous écrivons ces lignes, Google Chrome vient de repousser  une nouvelle fois le retrait des cookies tiers de son navigateur à début 2025. Chrome entend ainsi se donner le temps de répondre aux demandes de ces principales parties prenantes : autorités de régulations, industrie publicitaire et développeurs.

Il y a bien eu le rapport de l’IAB Tech Lab en février qui s’inquiétait de nombreux cas d’usage rendus indisponibles par la Privacy Sandbox, mais c’est l’autorité de la concurrence britannique (CMA) qui pèse le plus sur la stratégie de Chrome. La CMA mène une investigation (1) depuis 2021 sur l’impact que pourrait avoir la Privacy Sandbox proposé par Chrome sur la concurrence sur le marché publicitaire. Son dernier rapport publié le 27 avril confirmait que des doutes persistaient et les résultats des tests publiés par Criteo le 27 Juin allaient dans leur sens (2)

Alors que la CMA s’intéresse particulièrement à un risque d’auto-préférence entre la Privacy Sandbox envers Google Ad Manager (l’ad server qui permet aux éditeurs de programmer et monétiser leurs publicités digitales)  il est intéressant de relever que la CMA n’identifie pas de risque similaire du côté de la demande et de la suite Google Marketing Platform (3) (dédiée aux annonceurs).

En effet, ces outils (tout comme leurs concurrents respectifs) sont construits sur le cookie tiers et seront d’autant plus impactés négativement qu’ils sont dominants sur leur marché. Ainsi l’AdServer Campaign Manager se verra amputé de nombreux signaux de mesures. Même chose pour le DSP DV360  et ses capacités de ciblage.

Aussi, le risque de concentration des investissements sur les plateformes Google n’est pas soulevé. D’autres concurrents puissants sont déjà sur le marché (citons Meta, TikTok, Amazon, les Retails Media Network, les régies TV…) et des environnements ne supportent déjà plus les cookies tiers (la connected TV ou les navigateurs Safari et Firefox)

En attendant la suite des tests menées par la CMA, nous rappelons qu’il est important d’anticiper dès à présent la conduite des changements que cette nouvelle ère sans cookie générera.

 

Pour les annonceurs, les impacts métiers sont nombreux : la mesure et l’adressabilité sont les deux enjeux clés.

  • Mesure de couverture et performance

Dans le cadre de campagnes display et vidéo, les adservers seront largement impactés par le retrait des cookies tiers. Il n’y a plus beaucoup d’adservers sur le marché, et peu d’annonceurs y sont exposés directement, car c’est un outil utilisé par leurs agences (quand bien même certains ont contractualisé la solution). C’est pourtant la colonne vertébrale des campagnes digitales de tous les annonceurs majeurs : on y héberge les créatives (bannières, vidéos, audio), et centralise  les clics et impressions de nombreux leviers  (Display gré à gré ou programmatique, SEA, Social, Affiliation..). C’est là qu’on y consolide, attribue les conversions, mesure la couverture et la répétition. C’est la clé de voûte de nombreux dashboards annonceurs. 

L’absence de cookie tiers implique une perte de la mesure de la couverture et répétition dédupliquée, pourtant fondamentale.   Elle empêchera aussi la lecture des conversions post impressions, qui même si discutables, peuvent-être pertinentes quand bien calibrées et utilisées dans les outils de bidding. (Comment un algorithme pourra-t-il travailler avec quelques conversions par jour ?)

Les équipes GMP travaillent à substituer ces fonctions via les API Privacy Sandbox, mais leur efficacité restera à prouver. Il devient urgent de s’intéresser à la mesure statistique tels que les models times series ou les MMM, qui peuvent s’utiliser à des mailles très fines.  

 

  • Adressabilité 

La valeur ajoutée d’un DSP sera aussi largement remise en cause. Conçus historiquement pour le traitement d’enchères et les ciblages d’audiences, le DSP risque de se transformer en console d’achat de deals garantis (gré à gré), et de clearing de facturation. Rien de problématique en soi, mais à proposition de valeur à la baisse, on peut s’attendre à voir les tarifications à la baisse également.  

Nous pensons qu’à long terme les DSPs pourraient se rapprocher de facto de la position historique (et visionnaire ?) d’AdForm qui a fusionné adserver et dsp dans un même outil. 

Tout le marché display et vidéo, que ce soit en programmatique opéré ou via des régies et réseaux sera impacté, mais DV360 leader sur le marché (4) sera scruté bien davantage. 

Et les partis pris sont très tranchés :

Quand DV360 supportera évidemment les APIs de Privacy Sandbox, ce ne sera probablement pas le cas pour les ID alternatifs cross publishers. (Des solutions mono éditeurs sont déjà disponibles dans DV360 pour du capping site par site – cf PAIR, EPID. On peut aussi s’attendre un jour à des échanges server-side, mais toujours mono éditeur). 

Le DSP The Trade Desk qui soutient l’identifiant publicitaire EUID fera probablement l’inverse en supportant des ID alternatifs cross-éditeurs, et non la Privacy Sandbox de Chrome.

Nous misons donc sur un remaniement des parts de marchés à moyen terme. 

 

  • A 6 mois (peut-être) de la grande rupture, anticipez les transformations à venir.

Pour les annonceurs qui ne l’auraient pas encore fait, il est important de procéder urgemment à une analyse de risque détaillée. Quelle part du mix média est à risque et pour quel impact sur les résultats business ? 

Chez Converteo nous avons mis en place un programme d’analyse de risque autour de la migration post-cookie sur 37 thématiques. Suite à cette analyse, il est possible de préparer un plan de mitigation méthodique et d’historiser un maximum d’insight afin de se préparer à l’après cookie.

Pour ce faire nous menons une veille active sur les moyens de mitigations en développement sur le marché. 

Enfin, une fois les objectifs définis, et les ressources nécessaires sécurisées, il est primordial d’ordonner et cadencer le plan de mitigation, avec une méthode de gestion de projet et d’accompagnement au changement adaptée à chaque entreprise.

 

Sources :

(1) https://www.gov.uk/cma-cases/investigation-into-googles-privacy-sandbox-browser-changes 

(2) https://www.criteo.com/blog/privacy-sandbox-testing-results-show-shortfalls-to-meet-cma-requirements/

(3) le stack Google Marketing Platform (GMP) comprend Display & Video 360, Campaign Manager 360, Search Ads 360 pour les annonceurs, ou Google Ad Manager pour les éditeurs

(4) (38.8% de pdm, vs 7.9% TheTradeDesk) https://www.alliancedigitale.org/publication/barometre-du-marketing-du-programmatique-s1-2023/)

 

Par Deffay Sylvain

Senior Manager Media