Creative Intelligence : le futur de l’optimisation publicitaire ?

Article IA Media 10.02.2025
Par Converteo

Dans cette interview croisée, Florent Yon, Manager chez Converteo, et Fabrice Courdesses, CEO de VideoRunRun, partagent leur expertise sur la Creative Intelligence et son rôle clé dans l’optimisation des campagnes publicitaires vidéo.


L’analyse créative : un levier encore sous-exploité. Elle représente 70% de la performance publicitaire mais reste moins développée que les stratégies d’audience et l’activation média.

Adaptation et optimisation continue : clés du succès. Chaque plateforme nécessite des contenus spécifiques, et les tests créatifs doivent être intégrés dès le début des campagnes.

L’IA et la GenAI : outils puissants mais pas miraculeux. Utiles pour personnaliser et optimiser à grande échelle, mais la créativité humaine reste indispensable pour créer un véritable impact émotionnel.

 

 

Pourquoi l’analyse créative est-elle considérée comme le dernier pilier sous-exploité ou « mal analysé » de la performance média, aux côtés de l’audience et de l’activation média ?

Fabrice : Nous voyons  encore une approche trop silotée Media/Créa. Personne n’ose toucher à la créa, comme si elle était sacrée. En France, on est encore plus enraciné dans cette mentalité avec l’importance accordée à nos grands prix publicitaires, Cannes Lions en tête. 

L’héritage TV n’arrange rien : on pousse un spot en non-skippable, on mise sur la répétition et le brand-lift. L’analyse créative basée sur la Data est souvent quantitative (quoi/combien) mais encore très peu qualitative (pourquoi/comment).

Dans le SEA/Display, c’est plus simple : on teste la couleur d’un bouton et on voit vite des résultats d’une variation créative. La vidéo digitale est un animal plus complexe composée de multiples couches (son, images, séquences…) qui nécessitent de la Deep-Tech (Computer Vision, Machine Learning) et de la Data-Science pour comprendre les raisons du succès ou de l’échec d’une campagne vidéo.

 

Florent : Nous faisons face à un paradoxe dans l’industrie publicitaire : alors que l’impact créatif représente plus de 70% de la performance des campagnes , son analyse reste moins développée que celle de l’audience ou de l’activation média. Cette situation s’explique principalement par la complexité technique inhérente à l’analyse des contenus vidéo et la multiplication des formats qui complexifie considérablement l’exercice .D’après une étude Kantar* (2023), 78% des annonceurs déclarent avoir des difficultés à mesurer l’impact créatif de leurs campagnes vidéo de manière cohérente à travers les plateformes.

 

 

Quels conseils pour les annonceurs ?

Florent : Le plus important, c’est darrêter de penser qu’une même vidéo peut marcher partout . Il faut vraiment adapter le contenu à chaque plateforme, c’est la base car chaque plateforme possède son ADN propre, ses codes spécifiques et surtout, une audience aux attentes bien définies. Les utilisateurs de TikTok, par exemple, ont développé des habitudes de consommation radicalement différentes de ceux de YouTube ou d’Instagram. Ce qui fonctionne sur l’une de ces plateformes peut totalement échouer sur une autre. C’est pourquoi la création de contenu vidéo doit être pensée dès le départ en fonction de chaque environnement digital.

Et surtout, ne faites pas l’erreur d’attendre la fin de la campagne pour analyser les créas – il faut intégrer cette réflexion dès le début . C’est comme ça qu’on construit une stratégie créative vraiment efficace. 

 

 

Pour quels cas d’usage recommandez-vous d’utiliser vos outils d’analyse créa ?

Fabrice : Nous recommandons le recours à la Creative Intelligence pour 3 raisons principales:

Pour améliorer la performance des pubs dans les univers des Walled Garden, où l’utilisateur peut skipper ou cliquer. Une seule inversion de séquence peut doubler un KPI.

De même, pour augmenter l’attention qualitative, c’est-à-dire positive (et pas subie) en OpenWeb programmatique, où les formats sont souvent non-skippables/non-cliquables. La mesure de l’attention dans les environnements OpenWeb est souvent plus du ressort de la notoriété (mémorisation) que de l’image (positive ou négative). Subir 4 fois la même publicité pendant une émission en streaming peut certes augmenter la notoriété mais pas forcément l’image !

Enfin, il y a un véritable enjeu à capitaliser sur ses expériences, en créant des “Data Driven Creative Guidelines” actionnables pour les marques (par plateforme, par pays) pour améliorer les briefs Créa et optimiser la post-production dont dépend le succès du déploiement des campagnes digitales.

 

 

Comment intégrez-vous l’analyse créative dans votre approche globale d’accompagnement stratégique pour les campagnes vidéo de vos clients ? Comment utilisez-vous les données pour guider les recos créas (Playbook, guidelines créa) dans le cadre d’une stratégie média globale ?

Florent : Notre méthodologie s’articule autour d’un Learning Agenda structuré , qui nous permet d’orchestrer rigoureusement les tests créatifs et d’en tirer des enseignements actionnables. Cette approche systématique nous permet de développer des playbooks basés sur des données concrètes , transformant chaque campagne en source d’apprentissage pour optimiser les performances futures. Nous mettons particulièrement l’accent sur la mesure de la mémorisation et de l’engagement pour affiner continuellement nos recommandations.

 

 

Quelle est votre méthodologie pour l’analyse et l’optimisation des créa vidéo pub ?

Fabrice : Notre approche est technique et data-driven. Grâce à de la Computer-Vision et de l’IA, nous commençons par identifier le maximum d’éléments dans une vidéo : ce qui est écrit, dit, visible, les émotions transmises, le séquençage,…. On superpose une grille de lecture publicitaire avec des éléments, comme l’arc narratif (hook, arguments, outro), l’attention (people-driven), l’intérêt (product-driven) ou l’action (CTAs,…). Cela nous fournit un “dataset” avec des données primaires et enrichies sur lequel s’entraînent nos modèles de Machine Learning prédictifs en fonction des différents KPIs poursuivis – branding ou performance. 

On catégorise ensuite les analyses selon des segments concrets qui permettent aux annonceurs ou leurs agences d’agir efficacement : par pays, type d’influenceur, audience, hauteur de funnel… 

Last but not least, nous ajoutons la vision et interprétation d’un Creative Strategist pour analyser les données et livrer  des recommandations actionnables dans les contraintes créatives et marketing de la marque.

 

Comment votre techno permet-elle d’optimiser les créas vidéo pour différentes plateformes de diffusion (Youtube & autres Video Ads platforms) ?

Fabrice : Déjà, notre techno intègre les spécificités de chaque plateforme qui ont leurs propres règles: frame ABCD pour YouTube, mais aussi les autres guidelines pour Meta ou TikTok. Nous rajoutons en plus les données historiques de campagnes passées quelle que soit la plateforme.

Ensuite, notre approche couvre trois temps :

  1. Avant : en prédictif, pour anticiper et pré-tester les créas avant de basculer en campagne. Un pré-test en situation réelle peut rapidement permettre de sécuriser et maximiser le ROAS visé.
  2. Pendant : avec des Creative Analytics en live pendant la campagne pour itérer rapidement si la marque ou l’agence en a la marge de manœuvre.
  3. Après : en analyse post-campagne, pour améliorer les futurs briefs, basés sur la data.

 

 

Quels conseils donneriez-vous aux annonceurs pour mieux intégrer l’analyse créative dans leur processus de décision marketing ?

Florent : Notre recommandation principale repose sur trois piliers essentiels : premièrement, l’adaptation spécifique des créations à chaque plateforme , deuxièmement, l’implémentation d’une mesure unifiée des performances créatives cross-canal, et troisièmement, l’intégration de l’analyse créative dès la phase de conception des campagnes . Cette approche intégrée permet d’optimiser significativement l’impact des investissements publicitaires.

 

 

Quelles sont les meilleures pratiques pour implémenter un processus d’optimisation créa continue ?

Fabrice : L’optimisation créa continue est comme la préparation d’une équipe sportive : on joue, on analyse, on tire les leçons et on revient plus fort au prochain match.

Voici nos quelques règles d’or :

  • Avoir un interlocuteur légitime capable de dé-siloter Crea/Media/Data et de rassembler les interlocuteurs de la chaîne de valeur
  • Utiliser YouTube Ads comme terrain constant d’expérimentation : c’est un vrai laboratoire qui couvre tous les formats, tous les devices, tous les objectifs en une seule plateforme. 
  • Ne jamais lancer une seule créa – les variations peuvent multiplier les performances par 5 ! Il est temps d’appliquer à la Video Ads les mêmes pratiques de A/B Test qu’en SEA ou Display.
  • Considérer la Créa dans son contexte de diffusion : les américains disent souvent « Création is king, but distribution is queen and she wears the pants ».
  • Construire un Creative Playbook évolutif 100% optimisé pour sa marque et ses audiences, campagne après campagne.

 

 

Quelle est votre vision sur l’utilisation de la GenAI dans la création et l’optimisation des contenus vidéo pub ?

Fabrice : La GenAI va créer une nouvelle catégorie de vidéos publicitaires qui aura ses expériences, ses prix, ses fans, ses early adopters… La dernière campagne de Coca Colas à Noël a fait parler d’elle d’abord pour cette raison.

En pub, il existe deux grandes familles de vidéos :

Les vidéos “people-based”, centrées sur l’émotion pour le haut de funnel et les vidéos “product-based”, plus orientées performance pour le bas de funnel.

Aujourd’hui, la GenAI excelle sur le product-based mais peine encore à reproduire l’authenticité nécessaire aux contenus centrés sur l’humain.

N’oublions pas que le KPI final reste la priorité. Peu importe que la vidéo soit GenAI si elle est massivement skippée. Je me méfie toujours des “shiny objects” que l’Industrie publicitaire a tendance à survaloriser. C’est innovant, ça fait gagner du temps, peut-être des prix mais ça ne garantit pas un meilleur ROAS, en tous cas pour le moment. Mais c’est évidemment un levier à intégrer dans ses processus créatifs et d’optimisation. Nous le faisons mais sans sacrifier l’actionnable à court-terme !

Florent : Les chiffres parlent d’eux-mêmes : Selon le rapport Gartner « State of Marketing Technology 2024 », on observe une augmentation de 220% de l’utilisation de l’IA dans la création de contenus publicitaires par rapport à 2023. Cependant, une étude de Deloitte Digital (2023) montre que 67% des consommateurs préfèrent toujours les contenus créés par des humains pour les communications de marque émotionnelles.

 C’est super efficace pour optimiser la post-prod ou personnaliser les contenus à grande échelle. Mais attention, il ne faut pas tomber dans le tout-automatisé . La créativité humaine reste indispensable – l’IA, c’est un super outil, mais ça ne remplace pas une bonne idée créative.

 

Kantar « State of Digital Advertising » (2023)

 

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