Internalisation de l’achat média digital : quels impacts sur les ressources humaines et l’organisation ?
L’amorce du mouvement d’internalisation de l’achat média chez les annonceurs répond à plusieurs moteurs. D’une part le gain de maturité des équipes sur le digital entraîne une volonté de reprendre la main sur la donnée, les outils et plus généralement sur l’élaboration de la stratégie digitale. D’autre part, un manque de confiance vis-à-vis des agences incite les annonceurs à challenger ces dernières dans le but de gagner en transparence sur les coûts, mais aussi sur les process. L’internalisation, parce qu’elle réduit le nombre d’intermédiaires, est associée par les annonceurs à une flexibilité et une réactivité accrues, devant permettre à termes de piloter et optimiser plus finement la livraison des campagnes.
Internaliser le média et repenser l’organisation
Internaliser l’achat média digital signifie gérer en interne un périmètre qui était au préalable la prérogative d’une ou plusieurs agences médias. L’internalisation peut être plus ou moins complète, allant d’une simple internalisation de la stratégie média à une opération plus avancée par l’annonceur de l’achat média et de son pilotage. Cela nécessite souvent de repenser une organisation en silo, où chaque canal travaille indépendamment les uns des autres avec des objectifs propres et parfois concurrentiels (cas d’un modèle où les rémunérations variables des équipes de “trafic managers” sont fonctions de la contribution de leur canal au trafic sur site / aux ventes de l’entreprise) pour passer à une logique de “cellule média” centralisée en charge de tous les canaux digitaux.
Internaliser l’achat média digital offre alors l’opportunité de construire une vision 360° des stratégies digitales, de prendre conscience de la fragmentation de la donnée propriétaire (données média, données clients, données de navigation) et d’y remédier afin de permettre la mise en place de campagnes “scénarisées” entre les différents canaux. Elle permet en outre de rapprocher le média des besoins business en favorisant les synergies entre les équipes et en permettant une communication plus fluide entre les différents intervenants de la chaîne de valeur depuis le brief média initial jusqu’à la restitution des résultats de campagne. Ce gain d’efficacité, couplé à la gestion directe des investissements d’achat d’espace et à la contractualisation en directe des outils peut se traduire par d’importantes économies. AirFrance déclare en effet avoir réduit de 20% ses coûts média grâce à l’internalisation (source e-marketing, “5 annonceurs qui innovent en programmatique“).
Internaliser l’achat média offre donc l’opportunité de casser les silos mais pour donner quelle forme au nouveau modèle organisationnel ? Plusieurs questions doivent être clairement énoncées en amont de tout projet d’internalisation :
- Quel positionnement donner à l’équipe média au sein de l’organisation ? Doit-elle être intégrée au sein d’une équipe digitale transverse ? Ou être une équipe clairement indépendante, comme une agence en interne ?
- En corollaire à la question précédente, à qui cette équipe doit-elle reporter ? Quelle est la chaîne de donneurs d’ordre ?
- S’il s’agit d’une cellule créée ex-nihilo, comment s’assurer qu’elle s’insère au mieux dans des processus existants ?
- Si l’équipe média internalisée doit avoir pour clients internes plusieurs entités ou unités opérationnelles (B2B et B2C par exemple), comment gérer la priorisation des projets ?
Il n’existe pas de réponses figées à ces questions qui sont à examiner au cas par cas en fonction de l’annonceur, sa maturité, ses ambitions, son contexte marché et politique interne. Parmi les solutions les plus séduisantes figure le modèle de la cellule média internalisée gérant tous les canaux (display, social, search) au sein des équipes marketing et communication ou totalement indépendante, qui est en charge de l’élaboration de la stratégie média, du challenge des plans médias, du choix des outils et de leur contractualisation et de la mesure de la performance des campagnes. Cette équipe répond aux briefs des différentes business unit auxquelles elles doit également rendre des comptes. Tandis que les tâches de gestion de campagne au jour le jour restent dans le périmètre d’une agence média ou d’un trading desk.
Un exemple alternatif, observé dans une structure internationale avec laquelle travaille Converteo est celle d’une équipe internalisant l’ensemble des opérations liées à l’achat média grâce à une équipe centralisée composé de 3 ou 4 ressources par marché/pays opérant tous les canaux média. Il peut également être envisagé d’organiser l’équipe en fonction des stratégies, en séparant par exemple performance et notoriété.
Quelque soit le fonctionnement choisi pour l’organisation cible, il est essentiel de garder en mémoire que l’internalisation de l’achat média digital est un processus long et pouvant avoir un impact fort sur les équipes. Il peut donc être nécessaire d’être accompagné dans la conduite du changement par un tiers spécialisé, ce qui est le rôle de structure conseil telles que Converteo.
Internaliser l’achat média digital et gérer ses ressources humaines
Internaliser l’achat média et construire des scénarii relationnels complexes entre les canaux requiert une acculturation à la donnée, aux outils et aux problématiques de gestion de campagne par l’équipe média internalisée. Celle-ci doit être capable de comprendre les sources de données disponibles, d’évaluer leur potentiel en termes d’activation et de proposer des mesures de remédiation pour l’enrichir.
D’un point de vue technique, elle doit avoir une connaissance suffisante du marché et des solutions pour appréhender les tenants et aboutissants liés au partage d’audiences entre plusieurs canaux (CRM onboarding par exemple) et pour être force de proposition dans le choix de nouveaux partenaires média ou dans le cadre d’évolutions de l’écosystème ad-tech de l’annonceur. Enfin, à un niveau plus opérationnel, si l’annonceur fait le choix d’une internalisation complète, l’équipe média devra prendre en charge la gestion opérationnelle des campagnes, depuis le paramétrage des créations, des audiences et des règles de diffusion (aussi appelé trafficking) jusqu’au reporting en passant par le suivi et pilotage quotidien des budgets.
Ces compétences à la fois stratégiques et opérationnelles peuvent être difficiles à trouver, l’annonceur aura tout intérêt à ne pas se fermer de portes et à envisager à la fois des mesures de mobilité interne et la possibilité de s’adjoindre les services d’experts externes. Le recours à un tiers (cabinet de conseil, agence) peut faciliter la montée en compétences des équipes en mettant en place un programme de formation accompagnant l’internalisation, ce qui permet une transition “en douceur”. Les profils concernés peuvent être des profils marketing généralistes souhaitant se réorienter sur des postes plus digitaux et techniques, des traffic managers souhaitant entrer plus dans l’opérationnel ou des responsables search, affiliation ou réseaux sociaux (community management) désireux de capitaliser sur les connaissances déjà acquises pour accroître leur champ de responsabilités.
Si les ressources internes ne sont pas suffisantes, l’annonceur peut faire le choix d’embaucher des profils spécialisés issus le plus souvent d’agence média ou de trading desk. Ce recrutement peut s’avérer compliqué car ces profils sont relativement rares, il doit donner également suite à une vraie politique de ressources humaines pour s’assurer de la pérennité des individus ainsi embauchés au sein de l’équipe. En effet, un consultant expert en programmatique au sein d’une agence média ayant l’occasion de travailler pour plusieurs clients, dans divers secteurs d’activité aux problématiques variées et dans un environnement de progression constante liée à l’émulation autour de son environnement, risque de rapidement épuiser le sujet à ne se consacrer qu’aux campagnes d’une seule entreprise. Un plan d’évolution de carrière doit donc être anticipé, pouvant par exemple permettre à un même individu de diversifier ses expertises sur plusieurs canaux ou d’être transféré dans un autre département.
La veille technologique est également un point à ne pas sous-évaluer. Les agences bénéficient d’un réseau de partenaires technologiques, de transferts de connaissances entre les comptes et d’un accès privilégié aux solutions les plus innovantes du marché (version bêta par exemple). Une cellule média internalisée chez un annonceur sera forcément plus isolée des évolutions du marché. Il est donc envisageable de contractualiser avec un tiers externe pour challenger les acquis de l’équipe, et rester à la pointe des dernières innovations.
Afin de répondre aux enjeux RH et management opérationnel, Converteo propose une offre spécifique permettant d’aider les annonceurs à internaliser le media.
Pour compléter votre lecture, vous pouvez également consulter notre livre blanc dédié à l’internalisation de l’achat média.
Auteur : Léa Guyon, Manager, Practice Data x Business Consulting