Editeurs de contenus : comment gérer la fin des ad-servers publishers ?

Article Media 06.05.2019
Par Converteo

Dans un écosystème riche et complexe, le choix d’un Ad-Server peut conditionner l’impact d’une stratégie de campagne publicitaire cross-channel. Créé en 1995 par Focalink Media Service, cette technologie permet d’héberger des contenus publicitaires en ligne, de les distribuer selon des ciblages spécifiques, et de collecter des informations sur leurs performances. Il en existe deux types : les Ad-Servers éditeurs, dits Publishers, et les Ad-Servers annonceurs, dits Advertisers. Aujourd’hui, dû à un marché sous-tension, l’activité des Ad-Servers éditeurs est menacée.

Le business model de l’Ad-Server Publisher

L’Ad-Server Publisher a pour rôle de centraliser la gestion et la vente de l’inventaire d’espaces publicitaires à des annonceurs. Dans la chaîne de valeur média, il communique directement avec les Supply-Side Platform (SSP) et les sites éditeurs. Véritable atout pour ces derniers, il permet notamment de :

  • Vendre son inventaire à un maximum d’acheteurs. Plutôt que de traiter avec chacun séparément, l’Ad-Server se connecte aux SSP et permet de proposer une partie de l’inventaire à tous.
  • Sélectionner les annonceurs qui vont pouvoir afficher leurs contenus publicitaires sur les sites, selon des règles de priorités spécifiques. (Modèle Cascade-Waterfall expliqué plus bas)
  • Automatiser un travail chronophage et laborieux à la main. En effet, l’Ad-Server éditeur facilite l’affichage du contenu publicitaire à la bonne personne, au bon moment, sans besoin d’intégration supplémentaire.
  • Proposer du contenu publicitaire non-statique et adapté au visiteur. Quand un contenu publicitaire est bien ciblé, il est mieux perçu par l’utilisateur. Cela permet aussi à l’éditeur de rentabiliser au mieux ses espaces publicitaires, en proposant des audiences plutôt que des espaces.
  • Créer des rapports de performance de contenus publicitaires, et capturer une vision globale. L’éditeur doit pouvoir prouver que le contenu a bien été affiché et doit pouvoir informer l’annonceur de sa performance.

Malgré sa valeur et les services qu’il propose, l’Ad-Server Publisher a de plus en plus de peine à survivre seul dans un univers en constante évolution.

Un marché changeant

L’évolution de l’écosystème média se dessine autour d’un but précis : limiter la déperdition d’information tout au long de la chaîne de valeur. La promesse du média au XXIème siècle, “le bon message, au bon moment, à la bonne personne” entraîne tous les acteurs dans une quête de l’exactitude. L’identification et la connaissance de l’utilisateur sont les clés de la performance, autant pour l’annonceur que pour l’éditeur.

C’est grâce aux connaissances sur l’audience que l’annonceur optimisera sa performance en ciblant et en personnalisant son message. D’après une étude menée par l’entreprise ID 5, il sera prêt à enchérir jusqu’à 4 fois plus s’il reconnaît l’utilisateur.

L’éditeur, quant à lui, veut rentabiliser au mieux son inventaire, tout en garantissant un contenu publicitaire de qualité et adapté à son audience, pour ne pas impacter ses performances. En effet, un utilisateur accepte mieux un message qu’il reconnaît, et le juge moins nuisible.
C’est dans le but de tendre à cet idéal que naissent de nouvelles technologies. Bouleversant irrémédiablement l’équilibre de l’écosystème média, elles impactent l’avenir des différentes technologies, dont l’Ad-Server Publisher qui doit se réinventer.

1. Un écosystème sous-tension

L’évolution des législations, l’E-Privacy, le Règlement Général de la Protection des Données (RGPD / GDPR), les impacts technologiques qui en découlent et les stratégies des navigateurs (ad blockers poussés par Mozilla et Chrome, lancement d’ITP2.1 par Safari…), redistribuent les cartes et fragilisent les acteurs historiques qui sont centrés sur le métier de l’adserving.

L’augmentation de l’utilisation des ad blockers pénalise l’éditeur en empêchant l’impression des contenus publicitaires. Face à cette nouvelle technologie, l’Ad-Server se doit d’évoluer. Mais d’un point de vue purement commercial, quel est l’intérêt de montrer une publicité non-ciblée, non-attendue, et non-désirée à une audience sûrement non-qualifiée ? L’Ad-Server Publisher a-t-il réellement un rôle à jouer dans cette évolution ?

La stratégie des navigateurs impacte aussi irrémédiablement les Publishers et leurs partenaires AdTech. Dans une optique d’E-Privacy, Safari a mis en place l’Intelligent Tracking Prevention (ITP). ITP est une technologie qui limite la capacité d’un annonceur ou d’un éditeur à traquer les utilisateurs à travers différents domaines, en limitant la durée de vie des cookies. Sortie en 2017, ITP en est déjà à sa deuxième version améliorée (2.1). Elle limite la durée de vie du cookie 1st party à 7 jours maximum et bloque les cookies 3rd party. Cette nouveauté impacte l’écosystème tout entier, car elle empêche le retargeting des utilisateurs qui utilisent le navigateur Safari. De leur côté, Firefox et Chrome devraient prochainement entreprendre des évolutions de leur navigateur dans le même sens.

L’écosystème s’organise afin de prévenir la déperdition d’information d’un partenaire AdTech à un autre, tout au long de la chaîne de valeur. Certaines entreprises, telles qu’ID 5, Live Ramp, Cross Wise, travaillent sur la réconciliation d’ID dans le but de créer un ID unique.
Par ailleurs, afin de pouvoir se défendre face aux Walled Garden, comme Facebook et Google, des groupes d’entreprises mettent en commun leurs données. En effet, Facebook et Google capturent une partie conséquente des budgets publicitaires. Le but de ces groupes d’éditeurs est donc de réconcilier leurs données, afin de pouvoir identifier les utilisateurs, et continuer à leur proposer des contenus toujours plus adaptés. C’est le cas du Gravity Alliance Data & Media qui regroupe des éditeurs tels que BFMTV, Orange, Challenges.

2. De nouvelles technologies qui disruptent le marché et l’écosystème

L’année 2016 est marquée par l’utilisation du header bidding. Cette technologie permet aux éditeurs de proposer leur inventaire d’espaces publicitaires complet en enchère en open exchange, c’est-à-dire à un maximum d’annonceurs. Grâce à cela, les éditeurs s’affranchissent du modèle précédent, dit en cascade et n’accepte plus que l’enchère la plus haute.

Auparavant, les éditeurs suivaient une liste de règles de priorité pour vendre leur inventaire. La plupart du temps, ils ne proposaient leur inventaire complet qu’à des annonceurs avec qu’ils avaient conclu des Guaranteed Deals. Le reste était proposé au fur et à mesure à différents acteurs suivant des règles de priorité spécifiques. Le mode d’achat programmatique n’était pas forcément présent dans la plus grande partie du processus, et l’éditeur pouvait manquer des enchères plus intéressantes en acceptant l’enchère plus faible d’un annonceur à plus grande priorité. Dans ce modèle, l’Ad-Server avait un rôle de décision quant au choix de l’annonceur selon les règles de priorité.

Le header bidding est un bout de code JavaScript implémenté dans le header de la page qui communique avec les SSP ou l’Ad Exchange. Lors du chargement d’une page, il intervient avant même que l’Ad-Server ne soit sollicité.

Le rôle de décision de l’Ad-Server est donc menacé et tend donc à disparaître, puisque le header bidding tend à devenir la norme grâce à ses nombreux avantages pour les éditeurs et les annonceurs.

L’avènement du header bidding s’est accompagné de l’arrivée de la connexion Server-to-Server, appelé aussi le server-side header bidding. En effet, cette connexion permet que l’enchère se déroule sur le serveur d’un partenaire Ad Tech, et non dans le header d’une page. Grâce à la connexion Server-to-Server, l’éditeur évite un temps de latence important lors du chargement de sa page. Ce temps de chargement était dû aux échanges entre les nombreux partenaires AdTech lors de l’ouverture des enchères en open exchange.

La connexion Server-to-Server permet donc de connecter un serveur côté éditeur à un serveur côté annonceur. Cette technologie permet de réaliser plus rapidement et facilement les enchères, et permet à l’éditeur de traiter avec moins de partenaires. Le serveur côté éditeur est soit une SSP ou un Ad-Server. Dans le cas de l’Ad-Server, il se connecte à une SSP qui agrège les données d’autres SSP pour se connecter à la Demand-Side Platform.

Le fait qu’un Ad-Server ou une SSP puisse réaliser cette connexion, pousse ces deux acteurs technologiques à se cannibaliser. Tous les deux sous-tensions, quant aux nombreuses évolutions du marché, ne peuvent faire autrement que d’intégrer les fonctions de l’autre pour survivre. Puisque la connexion server-to-server peut se faire à partir de la SSP, il est peut être logique de penser que l’Ad-Server n’est pas indispensable dans la chaîne de valeur actuelle.

Des migrations contraintes

La cristallisation des pressions de l’écosystème, en particulier côté Publisher, oblige les différents acteurs AdTech à se réinventer à marche forcée. Face à la difficulté du marché, certains Ad-Servers ferment faute de pouvoir se suffire à eux-mêmes, tels que Oath Ad Platform ou encore Flex-Frame Ads. D’autres, tentent d’élargir leur offre de services en internalisant de nouvelles fonctions. Afin de faire face aux géants proposant des outils consolidés, les Ad-Servers évoluent et se comportent de plus en plus en SSP, comme par exemple Smart Adserver.

Au fur et à mesure, de grands acteurs AdTech tels que Google, AppNexus, couvrent l’ensemble de la chaîne de valeur média en proposant des outils unifiés. Par exemple, Google Ad Manager fait office d’Ad-Server, de SSP et d’Ad Exchange côté Publisher. Côté annonceur, l’écosystème AdTech est aussi unifié avec la plateforme Google Marketing Plateforme et des outils comme Display et Vidéo 360 (DSP) et Campagne Manager (Ad-Server annonceurs). Ces outils unifiés, ou simples à connecter entre eux, attirent annonceurs et éditeurs par souci de simplicité, ce qui résulte en la disparition d’autres acteurs indépendants tels que les Ad-Servers Publishers. En tendant vers une chaîne de valeur entièrement unifiée, va-t-on réellement vers une optimisation média, ou vers un écosystème plus automatisé et opaque ?
La partie de l’écosystème côté Publisher n’est finalement que le reflet de ce qui se passe côté Advertisers. La fin des Ad-Servers Publishers annonce-t-elle la fin des Ad-Servers Advertisers ?

Ces migrations vers des outils consolidés tels que Google Ad Manager ou encore AppNexus ne sont pas anodines.
D’un point de vue opérationnel, elles demandent des efforts très importants. Elles nécessitent de transférer les codes d’identification d’inventaire, les Guaranteed Deals, ainsi que d’intégrer les outils 3rd party, tels que les DMP et outils CRM. Les phases de test et de validation de la migration sont importantes avant la mise en production, afin de s’assurer qu’aucune erreur n’est faite. En effet, la migration n’est pas automatisée et demande beaucoup d’opérations manuelles. Le risque de fuites de données est important et donc à prendre en compte.

La difficulté de la migration se mesure au cas par cas, en fonction de la taille de l’inventaire, des deals et des plateformes utilisées par l’éditeur. Parce que ces migrations sont complexes, il est important lors de la sélection du futur outil de prendre en compte les besoins et contraintes présents et futurs de l’éditeur.

Converteo accompagne les éditeurs/publishers à chaque étape de cette migration, aussi bien d’un point de vue opérationnel, que stratégique.
Nous sommes à votre service si vous avez des questions sur le sujet pour saisir au mieux les enjeux de demain.

Auteur : Jeanne Duhazé, Consultante, Practice Analytics x Digital Products

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