La mutation des agences média : nouveaux défis et opportunités
Suite à ses 8 années passées en agence média à piloter puis coordonner l’achat média pour de grands groupes, Florent a rejoint Converteo en 2019 au poste de Manager Media pour développer l’expertise levier au sein du cabinet et développer la practice. Il nous propose un décryptage de l’évolution des agences média, écosystème chahuté en pleine mutation.
Il y a quelques mois se tenait l’événement Think Agency 2023 chez Google visant à regrouper l’ensemble des agences media du marché et partager la vision de ce que devra être (selon Google) l’agence du futur. Une première dans l’histoire de cette série où Google assume et provoque son écosystème pour le faire évoluer.
A retenir:
- Une automatisation croissante : Google souligne la montée en puissance de l’automatisation et l’IA dans la gestion des campagnes publicitaires, avec des algorithmes prenant en charge de nombreuses tâches. Cela développe une forme d’opacité dans l’étude des résultats et offre moins de contrôle pour les opérateurs et in fine des annonceurs.
- Nouvelles attentes pour les agences média : Les agences média doivent se réinventer en se diversifiant vers des domaines tels que la création, la data et les méthodologies de test. Les compétences des consultants doivent devenir multidisciplinaires et les silos organisationnels entre les équipes doivent être brisés pour optimiser les performances.
- Changement dans le modèle économique : L’automatisation réduit considérablement le temps de gestion des comptes, remettant en question le modèle économique traditionnel basé sur les pourcentages de dépenses publicitaires. Les annonceurs et les agences doivent réfléchir à la manière dont les tâches à forte valeur ajoutée seront gérées et rémunérées à l’avenir.
L’homme vs la machine :
Nous avons vu ces dernières années une très forte accélération de l’automatisation au sens large (notamment sur le levier SEA). Au niveau des typologies de campagnes (avec Pmax et plus récemment Demand Gen, ..), sur l’adoption massive des stratégies d’enchères intelligentes ou bien encore avec la simplification des structures de campagnes avec l’adoption forte du ciblage Broad et l’équipement plus important de DSA (Dynamic Search Ads). Tous ces phénomènes répondent aux mêmes objectifs : rendre plus performantes les campagnes et laisser de moins en moins le contrôle aux opérateurs pour optimiser les résultats : l’algorithme s’en charge pour vous! (gagnez du temps)
Nous nous sommes d’ailleurs tous déjà habitués à avoir moins de visibilité, moins de contrôle et finalement moins de compréhension sur les performances de campagnes. Mais pour autant, elles semblent obtenir de meilleurs résultats en volume mais aussi en valeur ! (notre vision sur Pmax)
De ce côté il faut admettre que Google a réussi son coup ; faire accepter au marché l’opacité contre de meilleurs chiffres dans la console Google Ads.
Les agences média doivent se réinventer !
Nous pouvons dire à cette heure que la distinction entre un consultant SEA expérimenté axé sur la gestion de campagnes et un opérateur junior est de moins en moins pertinente. Les plateformes imposent des restrictions et limitent l’accès aux données précises. Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire d’accumuler huit années d’expérience en Search pour mettre en place une campagne Pmax, définir un budget quotidien, un objectif de ROAS et attendre que la performance s’améliore.
Google nous l’a clairement rappelé, l’heure est à la diversification et il faut attendre des partenaires agence davantage de transversalité sur les sujets connexes comme la créa, le tracking et la construction de méthodologie de test pour apprendre et expérimenter. Dans ces cas de diversification se trouvent les nouveaux enjeux des agences de demain.
Une transformation profonde des équipes et des organisations
Le challenge principal des agences sera donc de développer les compétences de ses consultants pour les rendre multidisciplinaires (data / media / business / tech / …). Cela revient à dire que les processus de formation doivent être revus de fond en comble pour développer l’apprentissage sur des sujets connexes (comme le tracking, la mesure, le testing) plutôt que sur des piliers historiques qui n’ont plus vraiment de prises (structure, ajustements d’enchères, quality score, mesure fine, …). Cela commande aussi de revoir les exigences côté recrutement pour accentuer les recherches sur des profils peut-être moins experts mais ayant des connaissances plus larges sur l’environnement ad tech par exemple.
Autre challenge de taille, faire évoluer les schémas organisationnels des agences afin de casser les silos entre expertise pour, par exemple, rapprocher l’équipe data / tracking des experts média pour affiner les indicateurs de pilotage et nourrir les algorithmes avec des typologies de données plus fines. Ou bien encore de développer la proximité des gestionnaires de flux produits avec les opérateurs afin d’affiner les structures de vos campagnes et tirer le maximum de performance de vos investissements SEA.
Avec un peu de recul, il apparaît toutefois pertinent de projeter ces changements afin qu’il y ait un sens plus global dans les opérations média fortement silotées. Cela passera aussi par un pilotage média qui ne sera pas seulement fait sur des conversions plateforme d’achat mais aussi sur des données business de l’annonceur en faisant un lien pourquoi pas avec les études MMM.
En somme des changements profonds – commandés par Google – qui guide habillement ses clients principaux (les agences) vers une transformation imposée pour s’adapter à ses produits.
Vers une révolution des annonceurs ?!
En parallèle de cette révolution des agences doit aussi se préparer celle des annonceurs. Ils doivent donc attendre plus de leurs agences. S’il y a moins d’optimisations de campagne et plus de place pour la machine, on devrait donc observer un report sur des tâches à fortes valeur ajoutée. Mais est-ce vraiment le cas ?
Au même titre que les attentes d’une agence média doivent être révisées de la part des annonceurs, un autre sujet doit être au cœur des débats, celui du modèle économique d’accompagnement (%spend ou fees).
L’arrivée de l’automatisation correspond directement à une réduction spectaculaire du temps de gestion des comptes. Ainsi il est impossible de considérer qu’un annonceur ayant fait la bascule d’une “structure classique” SEA très chronophage vers Pmax paye le même prix (voir plus) alors que le partenaire travaille moins sur de l’opérationnel. Ou alors, une question doit s’imposer, celle de savoir si les sujets à forte valeur ajoutée ont progressé significativement dans l’intervalle ?
Y a t il eu plus d’analyses profondes ? plus de tests ? plus d’innovations pour le compte des annonceurs ? Si la réponse est négative, c’est embêtant à deux égards, le premier car il est distant de la vision de Google d’un partenaire agence 2023 et le second car l’annonceur rémunère toujours autant un partenaire qui travaille moins.
A cette étape, la mutation est présentée et bien réceptionnée par les concernés. Reste à voir dans les prochains mois comment les structures, les people, les orga, les offres et les modèles économiques des agences vont s’adapter à ces nouvelles règles dictées par l’acteur de référence.
Le juge de paix selon nous étant la capacité d’un partenaire agence à savoir apporter le meilleur de la performance média possible, sa capacité à savoir se remettre en question et sa capacité à mettre en œuvre des projets de maturité pilotés par une approche test and learn.